Le 3 janvier 2017

Chaque année depuis 2000, Gilles Ratier coordonne l’étude sur l’édition de bande dessinée dans l’espace francophone, donnant lieu à un état des lieux extrêmement fiable de l’édition du 9e Art. Avoir-Alire revient sur quelques éléments-clés mis en valeur dans ce rapport.
Le rapport annuel de Gilles Ratier sur l’édition francophone de bande dessinée est disponible sur le site de l’ACBD.
2016 : l’année de la stabilisation. Tel est le titre du dernier rapport de l’ACBD. 2016 confirme une tendance entrevue depuis les années 2010, à savoir une stabilisation du nombre de titres édités chaque année, après une hausse massive de la production dans la décennie 2000.
En effet, le rapport Ratier explique très clairement qu’après des années de hausse massive dans la production de titres (1 563 titres en 2000, 3 070 en 2004, 5 165 en 2010), la tendance est à la stabilisation : 5 305 titres ont été publiés en 2016, contre 5 255 en 2015 (et 5 410 en 2014). Parmi ces titres, on compte 3 988 nouveautés (excluant les rééditions), dont 1 519 créations de bandes dessinées francophones (hors bandes dessinées étrangères traduites en français). Un chiffre stable depuis quelques années, au regard de la croissance exponentielle des années précédentes, comme le soulignent les premières pages du rapport Ratier.
Le rapport Ratier dessine une étude fine des publications par genre, par mois et par éditeur. On y apprend que les trois groupes dominants demeurent dans cet ordre Media-Participation (groupe franco-belge qui comprend notamment Dargaud, Le Lombard, Dupuis, Urban Comics, Lucky Comics), Delcourt (Soleil, Delcourt, Tonkam) et Glénat (comprenant Vent d’Ouest). Ces trois groupes totalisent 34,2% de la production de bande dessinée en 2016. Derrière ces trois éditeurs, le rapport Ratier souligne la présence de 12 autres figures importantes du marché, parmi lesquelles ont distingue des éditeurs spécialisés dans la bande dessinée comme le groupe Panini ou Bamboo, et des éditeurs généralistes, comme le groupe Madrigall (Gallimard, Flammarion, Casterman) ou Hachette (Pika, Marabout, Hachette comics, nobi nobi), 8e groupe mondial et leader français du marché du livre. Malgré un trio dominant, le marché de la bande dessinée n’est pas fermé, et des éditeurs généralistes s’engouffrent dans cet espace (comme Allary, éditeur du best-seller L’Arabe du Futur, dont le tome 3 a été tiré à 220 000 exemplaires !), ou des éditeurs alternatifs, dont la production demeure vivace et gage de diversité (la boîte à bulles a publié 34 titres, l’Association a publié 17, contre 13 pour Cornélius).
En valeur, le chiffre d’affaire de l’édition de bandes dessinées est en hausse de 0,9%, ce qui est mieux que le marché du livre en général (en baisse de 0,6%. Le rapport de l’ACBD signale les titres qui ont connu les plus gros tirages en 2016. Sur le podium, on retrouve deux grands héros franco-belge : le dernier Lucky Luke par Achdé (Lucky Comics) avec 500 000 exemplaires tirés, le dernier Blake et Mortimer par André Juillard et Yves Sente (éd. Blake et Mortimer) avec 400 000 exemplaires et le tome 7 de Lou ! de Julien Neel, avec 320 000 exemplaires. 270 titres ont été tirés à plus de 25 000 exemplaires, dont 95 à plus de 50 000. Un petit nombre de titres assure ainsi l’essentiel des ventes du secteur.
Parmi les bandes dessinées traduites en français, celles venues du Japon (1 494 titres) et des États-Unis (552 titres) dominent largement, alors que l’on constate une certaine érosion des titres coréens (13 titres) et une stagnation des titres chinois (30 titres), en dépit du label Urban China. D’autres pays européens sont représentés, comme l’Italie (64 titres), l’Espagne (37) et l’Angleterre (24).
Le rapport Ratier note qu’en 2016, il est toujours difficile de vivre du métier d’auteur de bande dessinée. Cela confirme une tendance déjà soulignée dans les précédents rapports, et que les états généraux de la bande dessinée ont déjà longuement souligné (à ce propos, voir le site des États généraux de la bande dessinée). On compte en 2016 1 419 auteurs francophones de bande dessinée, dont 182 femmes (environ 12%), chiffre en constante augmentation. Le rapport note que le marché des ventes aux enchères, bien que dominé par quelques grandes figures (dont Hergé, qui fait toujours les gros titres) se porte également très bien.
En somme, le rapport de l’ACBD dirigé par Gilles Ratier fournit, comme chaque année, une mine d’informations extrêmement précieuse pour les professionnels, les spécialistes et les passionnés du Neuvième Art.