Le 18 novembre 2014
Altman, comme souvent, réalise un film étonnant, étrange, mais qui révèle des richesses et des atouts remarquables.
- Réalisateur : Robert Altman
- Acteurs : Paul Newman, Fernando Rey, Vittorio Gassman, Bibi Andersson, Brigitte Fossey
- Genre : Science-fiction
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : ESC Éditions
- Durée : 1h58
- Date de sortie : 9 février 1979
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– Sortie du DVD : le 12 novembre 2014
Certes le DVD est minimal, mais le film, dans sa vision surprenante de la science-fiction, vaut largement l’investissement.
L’argument : La terre est entrée dans une nouvelle ère glaciaire. A travers des paysages enneigés, Essex se rend avec sa femme dans la ville où il a grandi. Ils découvrent une cité à l’agonie dont les habitants tentent de survivre et ont pour seules occupations l’alcool et un étrange jeu, le Quintet. Le but du jeu semble être de rester en vie, mais les règles, obscures, changent sans arrêt.
Notre avis : Le film commence par une étendue enneigée que traversent deux personnages et se termine, comme en écho, par le départ d’un des personnages dans la neige. Il se présente donc comme une parenthèse, un ensemble de péripéties encadrées par ces grands plans immaculés. L’audace de Robert Altman, cinéaste imprévisible s’il en est, consiste à vider nos attentes de leur substance pour créer au final une œuvre qui joue sur la déception. N’oublions pas que Quintet est contemporain de La Guerre des étoiles ; on s’attend, dans un film de science-fiction, à du spectaculaire, du monumental. Rien de tout cela : de la neige partout, des couleurs fades qui rapprochent la plupart des scènes du noir et blanc ou du sépia, des décors qui évoquent davantage Dickens ou Zola que le space-opera. Les combats sont inexistants : voir cette remarquable scène entre Paul Newman et Vittorio Gassman, que l’on attend comme un duel grandiose et qui tourne court. On sourit d’ailleurs de savoir que le film a été interdit aux moins de 18 ans en raison de sa violence... autres temps. Décevante aussi l’absence de suspens et d’émotion. En ce sens, Quintet est un anti-film hollywoodien, ce qui, à la fin des années 70 et venant d’Altman ne saurait surprendre.
Bien sûr, la tentation est grande de le voir comme une parabole sur son temps et, les dialogues à double sens aidant, on peut méditer sur la morale : la vie est un jeu cruel, dont l’issue fatale est imprévisible et dépend d’un meneur (l’arbitre interprété par Fernando Rey). A cet égard Vittorio Gassman interprète un Saint-Christophe ironique qui égorge ses ouailles et déclame un prêche inversé. Dans ce monde il n’y a plus de sens et la quête d’Essex ne mène à rien : pas de gagnant, pas de récompense. On pense ici à un autre film d’Altman, Le Privé, qui déjà en 1973, jouait avec les codes d’un genre et le malmenait. Sans doute le cinéaste, qui a collaboré au scénario, envisageait-il cette lecture « métaphysique » ; elle semble même parfois balourde, tant les dialogues jouent avec le sentencieux. On sent que le réalisateur n’est pas dupe et l’interprétation volontiers théâtrale de Fernando Rey ou Vittorio Gassman renforce cette mise à distance.
On peut aussi voir le film comme une parabole sur la position d’Altman au sein du système hollywoodien : Paul Newman y figure la star manipulée, qui se heurte perpétuellement au cadre en une marche vaine. Le cinéaste lui refuse tout glamour, comme il l’avait fait avec Buffalo Bill et les Indiens, mais aussi tout héroïsme : son seul titre de gloire est de tuer une femme par surprise. Pour le reste, il assiste impuissant à la mort de sa femme et de son frère, ne peut les venger et se contente de regarder les chiens manger les corps, image récurrente et dérisoire. De même ,il semble éprouver peu de sentiment et s’il partage la couche d’une femme, c’est elle qui le lui demande. Il y a là une moquerie subtile, une ironie amusée, renforcée par le jeu marmoréen de l’acteur.
Par ailleurs, Quintet est un film hétéroclite : la distribution internationale, le mélange des types d’interprétation, les vêtements ou les parchemins médiévaux dans un film de science-fiction, bien sûr, y contribuent. Mais Altman emprunte aussi au théâtre avec des apparitions, des rencontres et des disparitions qui relèvent de la scène. De même, si sa réalisation, qui dans l’ensemble peut se rattacher au « nouvel Hollywood », avec ses travellings, ses recadrages et ses zooms, adopte parfois une esthétique baroque faite d’obstacles visuels (combien de portes, vitres, fenêtres, voiles, grilles !), les décors citent à quelques reprises Le Cabinet du docteur Caligari et son absence d’angles droits. Enfin, durant tout le film, les bords du cadres sont flous. On peut y voir la présence de la glace, mais aussi un procédé du muet, la fermeture à l’iris.
On le voit, Quintet est une œuvre complexe, lente et fondée sur la déception des attentes. Le spectateur qui espère une machine rythmée et pétaradante devra ronger son frein et sera sans doute déçu. C’est qu’Altman avait les mains libres : le film est financé par sa maison de production, dans cette période effervescente où les audaces trouvaient encore un public. Comme Boorman, comme Kubrick, il fait du genre un usage personnel, original et troublant.
Les suppléments :
0
Le film, rien que le film.
L’image :
La copie n’a pas été restaurée ; quelques fourmillements et parasites qui ne troublent pas la lecture, mais évidemment, l’image manque de définition.
Le son :
Une seule piste mono et en version originale. Là encore, même si, globalement, le son est clair, il manque de profondeur et de finesse. De rares saturations sur la musique.
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