Au nom du Père
Le 9 février 2011
Anne Giafferi signe une comédie efficace, délicieusement interprétée, qui nous plonge dans l’univers envoûtant d’un homme touché par la grâce.
- Réalisateur : Anne Giafferi
- Acteurs : Éric Caravaca, Arly Jover, Jean-Luc Bideau, Benjamin Biolay, Valérie Bonneton, Guillaume de Tonquédec, Quentin Grosset, Philippe Duquesne, Jean-Pol Brissart
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h29mn
- Date de sortie : 9 février 2011
Résumé : Antoine a quarante ans. Heureux avec sa femme, père de deux beaux enfants, brillant avocat, on peut dire qu’il a réussi sa vie. Mais un jour Antoine va faire une rencontre inattendue, irrationnelle, bouleversante... un peu honteuse aussi. Antoine va rencontrer Dieu et il ne s’y attendait pas. Mais alors pas du tout ! Sa femme non plus.
Critique : Qui a envie d’être aimé ? La question, posée de front lors d’une des séances de catéchèse, a tout l’air d’une invitation sectaire. Ce que redoutent les amis d’Antoine (Éric Caravaca), convié à l’une des réunions par un professeur du collège où son fils est scolarisé. La réalisatrice se défend pourtant de tout prosélytisme. Bien qu’adapté d’un roman de Thierry Bizot, Catholique anonyme, le film ne tend jamais à l’exemplarité ou à l’illustration d’une morale bien pensante sur les prétendues vertus de la foi. Au contraire il lui arrive même de se moquer - certes avec beaucoup de sympathie - des "cathos", ces gens qui s’offusquent devant l’athéïsme ou préfèrent fermer les yeux sur les scandales pédophiles au sein de l’Église. Ici, les prières sont accompagnées à la guitare et les professions de foi relèvent plus de la "thérapie de groupe" que de l’office du dimanche. Dans un sens comme dans l’autre, nulle apologie. Si moquerie il y a, on est bien loin des railleries excessives d’un Chatiliez. Qui a envie d’être aimé ? évite les maladresses de la comédie de moeurs, jetant parfois un regard ironique sur le confort matériel d’Antoine et sa femme, mais ne sombrant jamais dans les associations faciles - par exemple entre richesse matérielle et pauvreté de l’esprit. En définitive, le film demeure une question adressée au spectateur, davantage qu’une réponse qui lui serait imposée par l’émotion.
Qui a envie d’être aimé ? La réponse est là. En l’occurrence, ce sont surtout les pères qui brillent par leur absence. Caravaca lui-même, dérouté face aux résultats scolaires de son fils, renonce à employer la méthode de son propre paternel, Jean-Luc Bideau, excellent en "vieux con" paumé et incapable de réconcilier ses enfants. Quant au Père spirituel, il semble qu’il n’ait pas pris la peine de s’adresser à tout le monde. Sauf, bien sûr, à Antoine. C’est là, sans aucun doute, que réside la force principale du film : la révélation christique est traitée comme une histoire sentimentale à part entière. Pendant que sa femme craint l’adultère, le personnage principal est subjugué par la beauté du Christ. Les sentiments des uns et des autres sont traités avec une grande pudeur, refusant les voies faciles du "second degré" pour privilégier la sincérité et l’émotion.
Ce goût de la sincérité est l’un des plus beaux atouts de cette comédie soignée et élégante. Scénariste de formation, Anne Giafferi a accordé beaucoup d’importance aux dialogues et aux caractères de ses personnages. Caravaca est très convaincant dans ce rôle de croyant un peu naïf, mais sincèrement touché par la grâce ; Biolay surprend dans celui du frère ennemi ; Valérie Bonneton excelle en sœur paumée, mais pleine d’amour. Le rythme de l’ensemble, très vif, laisse place à des moments heureux, mais aussi à une ironie parfois cruelle, qui dit bien, sur un mode comique, le manque d’assises symboliques de notre monde.
Bien sûr, dans un contexte de crise et de nécessité matérielle, il se peut que le film ait du mal à trouver son public. L’ensemble demeure, somme toute, politiquement correct. Moins universel, peut-être moins contemporain que Des Hommes et des Dieux, qui synthétisait avec plus d’énergie les angoisses de notre monde, le film d’Anne Giafferi n’en demeure pas moins une comédie singulièrement drôle et pleine de grâce. À découvrir.
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Jujulcactus 17 février 2011
Qui a envie d’être aimé ? - la critique
Ecrasé par le nombre de sorties cette semaine, cette comédie française au titre et à l’affiche peu accrocheurs va certainement passer inaperçu... Le script n’a rien de spécialement alléchant sur le papier non plus ; Un père de famille est convié à une séance de catéchèse par le professeur de son fils, y allant au départ par politesse, il va y trouver son compte et se construire un nouveau rapport à la religion. On était en droit de craindre un prosélytisme appuyé, mais le film d’Anne Giafferi est assez intelligent et juxtapose au portrait de son personnage principal, un regard extérieur appréciable (avec un soupçon d’ironie). Trouvant un équilibre incroyable entre comédie et drame, le film brille pour sa sincérité et son intelligence. Plus qu’un film sur la religion qui constitue souvent la toîle de fond, c’est une chronique familiale touchante, sur la relation au père notamment (à mettre en lien avec le Christ). L’ensemble du casting sert très bien le propos, Eric Caravaca est convaincant, Valérie Bonneton géniale (comme à son habitude !), les seconds rôles tiennent la route... Soignée, la mise en scène n’a rien d’exceptionnelle et on peut remarquer quelques problèmes de doublage (des dialogues ont certainement changé au dernier moment). Qu’importe, il est difficile de bouder ce joli film finement écrit, une comédie dramatique française de qualité supérieure. Une bonne surprise.