Le 18 octobre 2021
Ouvrage collégial (75 personnalités différentes se livrent), Propos mêlés sur le rugby est incontestablement marqué du sceau de la sincérité et de l’authenticité, sans délaisser un vrai amour du verbe, pour faire écho à une certaine esthétique de l’effort et du rugby, auquel il rend un bel hommage.
- Auteurs : Anne Deplace, Gilbert Beaubatie, Yannick Beaubatie
- Editeur : Mille sources
- Genre : Beaux Livres
- Date de sortie : 1er juin 2020
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Résumé : En deux parties, l’une de souvenirs, à travers de grands entretiens, l’autre de discours principalement historiques et sociologiques, Propos mêlés sur le rugby propose un tour d’horizon complet sur ce beau sport.
Critique : Certes, l’ouvrage peut dérouter par une profusion d’idées, de souvenirs, de réflexions sur le rugby d’hier et d’aujourd’hui. Cette indéniable générosité fait penser à un feu d’artifice, une grande cour où aurait été amassé tout ce qui a pu l’être afin de dire : voilà ce qu’est le rugby. Dans l’esprit, mais aussi dans l’histoire, récente comme très lointaine.
Si le livre est évidemment collectif – comment pourrait-il en être autrement avec un sport comme le rugby ? - quelques tendances claires s’en dégagent. Comme des accords tacites entre tous les protagonistes ayant accepté de livrer leurs souvenirs, leurs analyses.
Tout d’abord, l’accent est mis, à juste titre, sur l’ancrage territorial du rugby. C’est une constante : les hommages aux clubs amateurs, viviers inépuisables de talents, de souvenirs et de rivalités assumées sont légions. La première partie, dédiée aux souvenirs d’acteurs du rugby, est même un florilège. En cohérence avec la réalité que chacun peut observer ! Pour preuve, le 31 octobre dernier, les joueurs du XV de France, retrouvés pour conclure le Tournoi des VI nations 2020, portaient tous le nom de leur club formateur dans le dos, au moment d’affronter le XV du trèfle dans un Stade de France qui sonnait bien creux. Chaque coup d’éclat de Dupont, chaque crochet de Ntamack second du nom, chaque audace de Bouthier était portée par ces clubs amateurs, ces « petits » qui ont fait et font le rugby.
Copyright Fabrice Varieras
De cette idée, aujourd’hui quasiment érigée en fantasme lointain et de plus en plus difficilement accessible, découle naturellement la suivante : la peur d’une perte d’identité, de valeur. Tout au long du recueil, en effet, nombreuses sont les piques adressées au rugby marqué par la loi implacable des contraintes financières, et de la dépossession des petits par les gros. Sous-entendu : alors que l’identité du rugby est bien souvent retranchée loin des métropoles, ce sont bien ces dernières qui peuplent l’élite de notre championnat. Il est à cet égard intéressant de noter qu’en France, si les singularités ne manquent pas quant à la place et à la pratique de ce sport, la particularité d’avoir des provinces en guise de club n’existe pas, comme cela est le cas au Pays de Galles, ou en Ecosse par exemple.
Au passage, quelques entretiens menés par Anne Deplace sont indispensables, si sincères et intimes. S’il ne devait en rester qu’un, ce serait peut-être celui d’André Boniface - insaisissable « trois-quart » qui, même au sein du XV de France, donnait une saisissante impression de facilité, et qui revient, entre autres, sur le cas de son frère Guy, également grand rugbyman, décédé à l’âge de trente ans, sans dénigrer les autres bien au contraire.
Mais ce n’est pas le seul angle que l’ouvrage adopte pour aborder ce sport. Dans sa deuxième partie, il réunit un grand nombre d’analyses et d’explications historiques, sociologiques, et plus encore.
Copyright Bernard Crémon
C’est là où il prend une autre dimension, et intéressera plus que les seuls fans de rugby. Oui, l’histoire de ce sport se mêle aux guerres mondiales ou encore à la naissance du fascisme en Italie. Oui, elle se caractérise par une vraie distinction de classes, qui ne s’est pas opérée de la même manière dans tous les territoires : elle peut même expliquer certains stéréotypes qui subsistent encore. Par exemple : « les Anglais sont tellement arrogants », « les Français jouent sans structures », etc. Il faut alors revenir sur l’origine de la pratique du rugby en Grande-Bretagne, réservée à l’élite, et sur l’arrivée et le développement du rugby en France, qui a précisément hérissé de poil de cette élite britannique.
Tout cela sans compter le développement du rugby à travers le prisme colonialiste, qui a de quoi susciter l’intérêt des passionnés d’histoires et de sociologues parmi les lecteurs.
Pléthorique, l’ouvrage convainc facilement qu’il est d’excellente qualité. Toutefois, quelques éléments peuvent un peu gêner. La mise en page, par exemple, manque de personnalité. De plus, si les nombreux documents iconographiques servent parfaitement le propos et dévoilent souvent une intimité qui ne fait que renforcer le lien avec le lecteur, difficile de comprendre pourquoi certaines images, dont la résolution graphique laisse grandement à désirer, ont été insérées en si grand format. Elles produisent un effet esthétique dommageable.
En dépit de ces quelques défauts, ce livre s’avère un hommage authentique au rugby et à son esthétisme.
496 pages - 45 €
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