Est-Ouest - La chronique BD

Chaque vie mérite d’être comptée. Celle d’un auteur à succès, de Valérian aux Phalanges de l’Ordre Noir en passant par l’Agence Hardy, est évidemment intéressante à lire, surtout quand elle est bien racontée, et bien mise en planches. Les tribulations d’un jeune scénariste, qui ira fonder un institut universitaire à Bordeaux, qui travaillera aux États-Unis et voyagera derrière le Rideau de fer, n’est pas sans longueurs et passages vides. Mais ce vide, Christin l’exploite, met en avant ses faiblesses, son manque de discernement occasionnel, ses petites folies et ses grandes rencontres. Surtout, il parvient à ne jamais se mettre vraiment en avant, se préférant en témoin plutôt qu’en acteur de l’Histoire, ne sachant par exemple pas vraiment sur quel pied danser lorsqu’il s’agit d’évoquer son communisme réaliste d’étudiant ou sa faculté à se faire escroquer par des vendeurs de voiture de l’Utah. Sans juger, il donne à voir les Mormons aussi bien que les Hongrois, des auteurs de BD légendaires aussi bien que des individus ordinaires, qui ont croisé sa route et qui eux aussi méritaient de figurer dans quelques pages.

© Dupuis

Des pages exceptionnelles, tant l’aquarelle de Philippe Aymond accompagne cette atmosphère de voyage, de découverte et de road trip, aux États-Unis, mais aussi dans toute l’Europe de l’Est dans des voitures pas forcément rassurantes d’un côté comme de l’autre. Probablement grâce à l’aide de la collection de photographies de Christin, c’est une époque qui prend vie, des visages qui s’animent, même si la part belle est faite aux monuments, décors et costumes. Enfin, des couleurs qui paraissent naturelles, mais avant tout extrêmement belles.

© Dupuis

Voyage pas vraiment initiatique mais hautementsymbolique, les frontières s’étirant et se ressemblant finalement, il montre des hommes et des femmes finalement avant tout humains, une vie trépidante sans être aventureuse, dans un format sans aucune prétention, mais avec beaucoup de distinction.