Prends la route - la critique du film

Notre avis : Pills et Tabet ayant eu leur heure de gloire avec des chansons pleines de fraîcheur, le cinéma les a utilisés avec plus ou moins de bonheur dans des écrins destinés uniquement à profiter du succès. On est ici plutôt dans la réussite (relative), non pas à cause d’un scénario indigent ou de la réalisation de Jean Boyer dont la carrière prolifique n’a pas laissé de grands souvenirs, bien qu’il se fût associé à la crème des acteurs (il a dirigé Jouvet, Arletty mais aussi Trenet et Chevalier avec la même application). Non, ce qui peut encore séduire les amateurs, sans doute dorénavant peu nombreux, c’est la joyeuse énergie qui parcourt le film, donnant une insouciance charmante à cette comédie empreinte de l’ « esprit 1936 ». Les vacances, la découverte d’une France rurale parcourue en voitures variées, le plaisir des petites routes, des rencontres et des pannes à répétition, tout cela rend le métrage à la fois désuet et représentatif de son époque.
L’abattage de comédiens aussi roués qu’André Alerme ou Jeanne Loury s’ajoute à la gouaille des duettistes et aux minauderies féminines pour qu’au moins on ne s’ennuie jamais. On sourira même devant quelques gags plaisants (l’assureur se faisant bombarder de nourriture), plus encore grâce à des dialogues parfois savoureux. La description du vieux château dans lequel le soleil ne pénètre jamais ou la caricature du gendarme à accent qui préfère punir les victimes que les coupables parce que « les coupables on les connaît jamais » sont des passages très amusants. Soyons honnête, tout n’est pas de la même eau et le comique de répétition ne fonctionne pas toujours.
Mais au fond, c’est surtout pour les chansons que les spectateurs allaient voir ces œuvrettes, et elles sont ici nombreuses, sautillantes et gaies. Les connaisseurs admireront la patte de Georges van Parys qui collabora souvent avec Boyer, écrivit par ailleurs les très connues Complainte de la Butte, Comme de bien entendu, mais aussi des opérettes et de nombreuses musiques de film (dont celles d’Ophüls). Ici la bonne humeur inaltérable donne des couplets légers qui restent en tête et font penser à ceux de Mireille ou même Trenet : A notre âge, Prends la route ou Y a toujours un passage à niveau, que Brassens adorait et qu’il a reprise. Pour peu qu’on soit sensible à ce type de mélodies, ce métrage sans prétention constitue un petit bonheur acidulé et délicat.