Le 18 mars 2021
Une expérience de cinéma exceptionnelle, qui plonge le spectateur au cœur même du massacre d’Alep. On saisit la puissance de la dictature de Bachar El Assad et l’horreur de l’exil contraint par la guerre. Pour Sama est une œuvre bouleversante et indispensable, au moment où un nouveau drame s’annonce au nord de la Syrie.
- Réalisateurs : Waad al-Kateab - Edward Watts
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : KMBO
- Durée : 1h35min
- Date télé : 9 novembre 2021 22:25
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 9 octobre 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019
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Résumé : Waad al-Kateab est une jeune femme syrienne qui vit à Alep lorsque la guerre éclate en 2011. Sous les bombardements, la vie continue. Elle filme au quotidien les pertes, les espoirs et la solidarité du peuple d’Alep. Waad et son mari médecin sont déchirés entre partir et protéger leur fille Sama ou résister pour la liberté de leur pays.
Critique : C’est un journal filmé. Jusque là, rien d’original. Une jeune femme filme, dans une pièce plutôt insalubre, sa petite fille Sama, à laquelle elle dédie son combat et son long métrage. Puis les bombes s’abattent dans un nuage de poussières et de cris, et l’on comprend que la réalisatrice se trouve dans un hôpital d’Alep, victime d’une nouvelle attaque par les forces russes et syriennes. L’inimaginable commence alors. L’inimaginable, car jamais on n’aura filmé la guerre et la mort de façon aussi intense et crue. L’inimaginable, car ce qui se passe pendant un peu plus d’une heure et demie, c’est ce que vivent les millions de Syriens depuis plus de cinq ans, dans le silence consternant de la communauté mondiale.
- Copyright ITN Productions
Waad Al-Khateab est une journaliste téméraire et courageuse, qui filme aux côtés de son époux, médecin dans un hôpital de fortune, l’horreur d’un massacre, dont on s’est hélas habitué, ce qui nous conduit à reléguer les images de guerre ou celles de milliers d’exilés, à un simple état du monde dramatique. Le projet même de ce film constitue un acte magistral de militantisme. La réalisatrice brandit sa caméra comme une arme, à la façon d’un Victor Hugo en son temps qui levait le vieux dictionnaire pour dénoncer l’insupportable. Elle est aidée d’un drone, qui permet de découvrir la ville d’Alep, détruite, grise et poussiéreuse, où l’on devine les morts dans chacune des maisons fracturées. La jeune femme aux yeux sublimes assume son projet militant. Elle filme des enfants en train de mourir, des parents qui hurlent la perte de leur famille, des membres arrachés, des visages ensanglantés. Elle fait ce film, car il y a une nécessité de dire au monde l’énormité du massacre, qui se déroule à quelques heures d’avion de Paris.
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On ne pourra plus dire qu’on ne savait pas. Tout est là. Waad et son mari tentent de sauver les centaines de blessés qu’on leur amène tous les jours. Leur vie est devenue celle de cet hôpital de fortune, ce qui ne les empêche pas de se marier et de donner naissance à cette petite fille, Sama. Ils parviennent pourtant à s’aimer, à rire, à élever leur bébé, à visiter leur famille. Bref, leur combat demeure double : non seulement il s’agit de sauver une ville du carnage, mais il faut aussi offrir un avenir à leur fille. Pour Sama est tout autant un film de guerre que le témoignage d’une famille qui s’aime et n’a de limite dans son engagement que la grandeur de cet amour.
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Mais on n’a pas affaire à un simple reportage, aussi dramatique soit-il. Pour Sama est d’abord une œuvre de cinéma. En effet, malgré le contexte de tournage incroyablement dangereux, la metteure en scène parvient à construire un montage de très grande qualité. On imagine aisément les kilomètres de films qu’elle a recueillis. La réalisatrice va à l’essentiel. Elle soigne la photo, et l’étalonnage remarquable donne à ce récit autobiographique la densité d’une œuvre littéraire.
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Le cinéma nous offre la chance de partager ce témoignage d’une rare puissance évocatrice. Il n’y a aucune intention voyeuriste dans ce récit, sinon de crier l’abandon de tout un pays par la communauté internationale, et la détresse des parcours d’exil, quand on doit tout quitter jusqu’à ses propres aspirations idéalistes, juste pour sauver sa peau.
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