Le malheur est dans le pré
Le 2 février 2019
Un pensum qui confirme l’exigence de son auteur mais entraîne le spectateur dans une torpeur insondable.
- Réalisateur : Carlos Reygadas
- Acteurs : Rut Reygadas, Eleazar Reygadas, Adolfo Jimenez
- Genre : Expérimental
- Nationalité : Français, Allemand, Néerlandais, Mexicain
- Distributeur : Le Pacte
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h54mn
- Box-office : 3.862 entrées France / 2.301 entrées P.P.
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 8 mai 2013
- Festival : Festival de Cannes 2012
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Critique : On savait que l’auteur de Bataille dans le ciel et Lumière silencieuse était un cinéaste exigeant, apte à saisir l’animalité des corps et les tourments de l’homme, rural ou urbain, à travers une cohérence stylistique qui force le respect. L’esthétique de Reygadas est toujours fidèle aux longs plans-séquences contemplatifs qui ont fait la force de tout un cinéma contemporain, le sien bien sûr, mais aussi celui des Angelopoulos, Tarkovski et autres Béla Tarr. La déception et l’agacement suscités par le présent pensum n’en sont que plus manifestes. Au Mexique, Juan et sa jeune famille ont quitté la ville pour s’installer à la campagne où ils essaient de trouver le bonheur, mais ils se heurtent à un monde qui envisage la vie sous un autre angle. Le doute de Juan est justement de savoir s’il pourra trouver une complémentarité dans cette altérité. Celui du spectateur est de tenter de décerner les véritables intentions du cinéaste pendant cent minutes de projection qui en paraissent le double.
- Copyright Le Pacte
Le premier quart d’heure, totalement muet, est pourtant d’une beauté troublante et laisse présager un Oncle Boonmee version mexicaine, piste que Reygadas évacue forcément, pour infliger toute une panoplie de dolorisme et de symboles que les meilleures volontés tenteront de décoder : cauchemars d’enfants, maltraitance animale, conflits de voisinage et scène de la vie conjugale se succèdent entre deux prises de vue d’une nature omniprésente. Une échappée dans un sauna échangiste, où les protagonistes s’expriment en langue française, loin de distiller un parfum de mystère et de digression, retombe comme un pétard mouillé, et le film retrouve vite son atmosphère de moiteur et d’autoflagellation, qui culmine dans une séquence faussement gore.
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Un fantôme en image de synthèse tente pourtant d’attirer l’attention, mais notre intuition s’avérait fausse : il ne s’agit pas d’une composition facétieuse de Denis Lavant ; les mêmes qui se sont pâmés devant Holy Motors n’ont pourtant pas ménagé leurs huées, quand les deux films empruntent la même impasse. Le cinéma n’a certes pas vocation à proposer des œuvres aseptisées et consensuelles et la radicalité dans la déconstruction glauque était un projet estimable en soi. Post Tenebras Lux n’en est pas moins un film manqué, et il est permis de douter d’une réévaluation dans les mois à venir, comme cela avait été le cas avec Kinatay ou Antichrist. Le prix de la mise en scène attribué par le jury cannois de Nanni Moretti peut donc être interprété comme une volonté de trancher avec un palmarès estimable mais globalement sage, ou un encouragement à un artiste à contre-courant des modes et chapelles de cinéphiles.
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