A la marge
Le 24 mai 2020
Premier film chilien dont le personnage principal est noir, Perro Bomba est une fiction scénarisée qui interroge sur la peur de l’étranger au Chili, et finalement partout dans le monde.
- Réalisateur : Juan Caceres
- Acteurs : Blanca Lewin, Alfredo Castro, Steevens Benjamin
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Chilien
- Distributeur : Bobine Films
- Durée : 1h20mn
- VOD : Visible en ligne à partir du 1er juin 2020 sur la plateforme La Vingt-cinquième heure (E-Cinéma)
- Date de sortie : 1er juin 2020
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Résumé : Jeune immigré haïtien vivant à Santiago, Steevens mène une vie sans histoires et sans grandes perspectives d’avenir. L’arrivée de Junior, un ami d’enfance, ramène un peu de gaieté dans sa vie. Mais le bonheur est fugace et Steevens en fait l’amère expérience lorsqu’il perd son travail suite à une altercation avec son patron. Un événement qui sera le début d’une longue descente aux enfers pour le jeune homme confronté, malgré lui, à la haine et la xénophobie d’une société conservatrice…
Critique : Voir un film chilien distribué en France est déjà assez rare ; pouvoir découvrir un film tel que Perro Bomba, fruit d’une collaboration entre des sociétés de production françaises et chiliennes, l’est davantage. Plus important encore : Perro Bomba est le tout premier film dans l’histoire du cinéma chilien où le protagoniste est interprété par un comédien noir. Réalisé par Juan Cáceres, ce long-métrage est l’un de ces films qui profitent de la pellicule pour aborder des thématiques sociales.
En mélangeant la fiction et le documentaire et en laissant ainsi le public se perdre, en se demandant lors du visionnage s’il s’agit d’un scénario romancé ou d’un reportage (le fait que l’acteur principal donne son nom au personnage qu’il interprète brouille encore plus les pistes), Perro Bomba poste la question de la peur de l’étranger et confronte la société chilienne à son angoisse perpétuelle, face à l’arrivée massive de milliers de migrants latino-américains, ces dernières années.
- Copyright Bobine Films
En dénonçant la méfiance, la xénophobie, le racisme et l’hostilité de plus en plus violente que subissent les immigrés haïtiens, le film expose un cercle vicieux qui peut se transposer dans toutes les sociétés. D’un côté : les Chiliens, pour certains persuadés que les immigrés apportent des maladies, sont une menace par rapport à l’économie ou vont progressivement tirer le pays vers le bas ; de l’autre : les immigrés, de plus en plus en colère contre une société souvent jugée hostile, qui ne les accepte pas, tout en les exploitant.
Perro Bomba suit ainsi un jeune homme au sein d’une famille d’immigrés haïtiens, installés au Chili depuis quelques années et qui se heurtent au racisme ordinaire, qui plus est confrontés à un vide juridique qui ne les protège pas. La barrière de la langue, notamment, les pousse à se tourner vers une communauté qui agit comme un vase clos, les isolant finalement encore plus du reste de la société. Se sachant considérés comme la cause d’un grand nombre de problèmes (santé, éducation, logement…) qui existaient pourtant bien avant leurs arrivées, ces immigrés haïtiens tentent de survivre à Santiago.
Le film suit particulièrement un jeune homme qui, avant d’être exposé au racisme crasse que certains véhiculent pourtant sans complexe, tentait de se fondre dans la masse, entre ses amis et son emploi certes difficile, mais qui lui permettait de gagner sa vie et de penser à son avenir.
- Copyright Bobine Films
Même si le film dépeint la descente aux enfers d’un jeune homme esseulé, Perro Bomba témoigne de la joie de vivre d’une jeunesse qui pourrait contribuer à faire bouger les lignes. La danse et la musique sont ainsi deux vecteurs très importants pour une génération qui a besoin de s’exprimer sur le racisme et les discriminations notamment, dénonçant aussi légèrement que possible, comme pour mieux accepter l’inacceptable.
Juan Cáceres, à travers un film qui pourrait contribuer à lancer un débat sur la situation des migrants au Chili, montre que les gens ne sont pas considérés dans leur individualité, mais plutôt au sein d’une communauté dans laquelle ils ne se sentent pas forcément bien représentés.
En dénonçant, tout en mettant en scène des associations, des travailleurs sociaux qui se distinguent du reste d’une société que l’immigré exploité pourrait juger hermétique, le film se perd dans son propos et dépeint une aide certes bienvenue, mais qui ne serait pas gratuite.
- Copyright Bobine Films
Parce qu’il s’attarde sur le pire qui puisse arriver à un jeune adulte perdu, entre ceux qui veulent l’exploiter et d’autres censés l’aider qui, finalement, profitent de sa détresse pour obtenir des faveurs, notamment sexuelles, Perro Bomba dresse un portrait négatif de nos sociétés contemporaines, où la peur de l’autre l’emporte sur n’importe quel sentiment de compassion ou de compréhension.
Histoire d’un dialogue de sourds alimenté par des préjugés sans fondements, le long-métrage a le mérite de dénoncer une situation qui pourrait, dans les prochaines années, devenir explosive. D’ici là, il n’est pas encore interdit de communiquer. Espérons-le.
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