Le 10 janvier 2025
Une proposition de cinéma insolite et séduisante, sur fond de dénonciation sociopolitique plus ou moins implicite. Les amateurs d’univers incongrus à la Miguel Gomes ou Roy Andersson ne devraient pas être déçus.
- Réalisateur : Nelson Carlo de Los Santos Arias
- Acteurs : Jhon Narváez, Fareed Matjila, Harmony Ahalwa
- Genre : Drame, Expérimental, Film animalier
- Nationalité : Français, Allemand, Namibien, Dominicain
- Distributeur : Shellac
- Durée : 2h02mn
- Date de sortie : 1er janvier 2025
- Festival : Festival de Berlin 2024
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Pablo Escobar c’est 30 milliards de dollars, 5000 meurtres, 80 % du trafic mondial de cocaïne... et 1 hippopotame : voici l’épopée fantastique de Pepe, de la Namibie à Medellín.
Critique : Pepe est le quatrième long métrage de Nelson Carlo de Los Santos Aria, et le premier à connaître une distribution commerciale en France. L’Ours d’argent du meilleur réalisateur décerné pour ce film a sans doute contribué à cette sortie. Né en République dominicaine, le cinéaste a étudié le septième art à Buenos Aires et Édimbourg, avant de se faire remarquer dans plusieurs festivals. La singularité de Pepe donne ainsi envie de découvrir Santa Teresa & Otras Historias (FIDMarseille 2015) ou Cocote (Locarno 2017). Ni film animalier à proprement parler (quoi que…), ni biopic sur le narcotrafiquant Pablo Escobar (qui n’est pas incarné à l’écran), ni drame social sur la misère humaine en Colombie, cette coproduction entre la République dominicaine, la Namibie, la France et l’Allemagne est l’un de ces objets filmiques non identifiés. Le cinéphile découvrant cette œuvre pourra ressentir le même ravissement (toute proportion gardée) que celui éprouvé naguère devant Tabou de Miguel Gomes, Chansons du deuxième étage de Roy Andersson ou Import/Export d’Ulrich Seidl. On pourrait même remonter à certains Buñuel, le surréalisme étant convoqué au détour de certaines séquences.
- © 2024 Shellac Distribution. Tous droits réservés.
Nelson Carlo de Los Santos Aria tient à préciser dans le dossier de presse : « J’ai trouvé cette histoire idéale pour parler des migrations historiques entre l’Afrique et les Amériques. Le film est ainsi narré par le fantôme de cet hippopotame. J’ai aussi voulu réfléchir à des questions cruciales : comment échapper à l’eurocentrisme ? Comment échapper au monde que nous connaissons et qui est tant imprégné d’une dimension coloniale ? Le colonialisme n’est pas une doctrine propre au passé. On la retrouve aujourd’hui encore dans des problématiques liées au pouvoir, au genre, à la nature. Dans mon film, j’ai voulu évoquer un autre concept, à savoir la circularité de la colonisation qui ne peut être transcendée que par la mort ». Loin d’être un pensum surfant la vague du paradigme décolonial, Pepe est un petit bijou qui exerce une réelle fascination pour peu qu’on n’y recherche pas rationalité et linéarité.
- © 2024 Shellac Distribution. Tous droits réservés.
Le drame de cet hippopotame en cavale, déraciné de son Afrique natale pour les besoins d’un mafieux mégalomane, et lâché dans la nature, comme d’autres animaux de son espèce, après la mort d’Escobar, est presque un prétexte pour proposer un collage d’éléments disparates, où l’humour second degré n’est pas absent. La voix off de l’animal mort, racontant son passé comme dans le prologue de Sunset Boulevard et ressemblant à celles de Dark Vador ou du Nosferatu d’Eggert, n’est pas la moindre des incongruités réjouissantes, à l’anthropomorphisme savoureux, de cette histoire hors norme. Et Pepe doit beaucoup aux travaux du monteur Tom Swash et du directeur photo Camilo Soratti, en particulier pour les prises de vue naturelles. Qu’importe alors les redondances, zones d’ombre et propos décousus du discours (qui font d’ailleurs partie du dispositif) : Pepe est un hymne à la liberté créatrice qui met à genoux tous les académismes.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.