Le 1er avril 2021
- Scénariste : Toni Fejzula>
- Dessinateur : Toni Fejzula
- Genre : Adaptation
- Editeur : Ankama
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 5 mars 2021
Toni Fejzula adapte avec brio le roman de Fernando Aramburu dans cette BD fleuve. Il y est certes question de politique, mais vu par les yeux des petites gens, des habitants du Pays basque qui se retrouve mêlés, malgré eux parfois, par la force des choses souvent, à ce vent de terreur qui a tué au nom de la liberté : l’ETA. C’est avec beaucoup de talent et surtout d’amour pour les personnages du roman que Toni Fejzula s’est mis à la tâche.
Résumé : Patria nous entraîne dans un récit choral où nous suivons huit personnes, issues de deux familles différentes. L’une a vu l’un de ses membres abattu par l’ETA et l’autre abrite en son sein de farouches partisans du mouvement. Deux familles amies, que la politique et la mort ont éloigné. Pourtant, elles semblent plus proches qu’il n’y paraît.
L’histoire passe d’un point de vue à l’autre de ces personnages, hommes et femmes, issus du même village mais que la vie va entraîner au loin, ou parfois pas si loin. Mais si nous faisons des sauts dans l’espace, nous en effectuons aussi dans le temps. En effet, nous découvrons ce petit monde à différentes étapes de leur vie, dans leur jeunesse, leur âge adulte ou leur vieillesse. Et non de manière chronologique. Le style de dessin ne change pas d’une époque à une autre, car toute représente le présent au moment où nous les vivons. Il ne s’agit pas vraiment de voir des flashbacks, mais bien des moments de vie, certains anciens, d’autres récents. Pour reconnaître les personnages qui nous guident dans cet entrelacs spatio-temporel, les bulles sont de couleurs différentes. Chaque couleur caractérise une personne. Un marque-page fourni avec le recueil vous donnera la légende du code couleur. Mais il faut reconnaître que si parfois l’on se perd un peu, surtout au départ, il est agréable de naviguer à vue. Et on finit vite par s’adapter à ce fonctionnement. Les caractères, presque autant que les couleurs identifient celui qui parle. Ce récit touchant montre une société marquée par le terrorisme de l’ETA. Toujours à échelle humaine, Aramburu et Fejzula nous dépeignent par petites touches l’horreur de actes meurtriers menés par une minorité. Parfois soutenue, encouragée, parfois rejetée. Ce groupement est le lien, indirect, tragique, entre tous les héros de cette histoire, même si le terme est un peu fort, car il s’agit juste d’hommes et de femmes qui ont fait face à leur manière à la violence qui les entourait. Ils ne se posent pas en héros du peuple qui vont changer le monde. A part un personnage qui s’investit totalement dans un combat qui le dépasse, dans l’espoir de changement.
Toni Fejzula / Ankama
Le dessin est fascinant. Mélange de crayons, de textures de couleurs, un style haché, dur, des cases sans contour, aux angles arrondis, des décors réalistes, le trait de Fejzula nous happe. Les personnages se démarquent à travers le temps car il conserve leur silhouette. Elle les suit à travers les ans et les pages, l’âge les change, mais on les reconnaît toujours. Le plus fascinant dans ce graphisme reste les couleurs, brutes, dures, parfois douces, mais omniprésentes. Elles s’éloignent du réalisme des décors pour offrir presque un aspect surréaliste. Et le dessin par couche intrigue l’œil, créant une impression de surimpression. On regarde une planche, et c’est comme si on voyait tout d’un coup se superposer plusieurs nappes de dessin, plusieurs traits, plutôt textures, qui forment les gens, leurs cheveux, leurs lunettes, leur allure. Une magnifique expérience qui pourrait nous couper de l’histoire, mais pas du tout, elle contribue à nous y enfermer. On s’accroche à l’image, pour suivre le récit, les sautes temporelles, les voix multiples, tout cela est relié par ce dessin sans concession.
Toni Fejzula / Ankama
Patria nous propose une excellente version graphique du roman, en parallèle de la série télé du même nom. Mais les choix graphiques de l’auteur nous fournissent plus qu’une simple adaptation, un univers se crée sous nos yeux, où évoluent les personnages de Aramburu, marqués à jamais par l’horreur.
Adaptée du roman de Fernando Aramburu
304 pages – 26,90€
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Galerie photos
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