Réjaouissant !
Le 18 janvier 2021
Le couple Bacri/Jaoui réussit en grande partie son escapade en province, et laisse augurer un temps ensoleillé sur nos salles de ciné, malgré les quelques nuages inhérents à leurs films.
- Réalisateur : Agnès Jaoui
- Acteurs : Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui, Jamel Debbouze, Pascale Arbillot, Guillaume de Tonquédec
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Universal - StudioCanal
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 4 septembre 2016 20:55
- Chaîne : 23
- Date de sortie : 17 septembre 2008
Résumé : Agathe Villanova, féministe nouvellement engagée en politique, revient pour dix jours dans la maison de son enfance, dans le sud de la France, aider sa soeur Florence à ranger les affaires de leur mère, décédée il y a un an. Agathe n’aime pas cette région, elle en est partie dès qu’elle a pu. Mais les impératifs de la parité l’ont parachutée ici à l’occasion des prochaines échéances électorales. Dans cette maison vivent Florence, son mari, et ses enfants. Mais aussi Mimouna, femme de ménage que les Villanova ont ramenée avec eux d’Algérie, au moment de l’indépendance. Le fils de Mimouna, Karim, et son ami Michel Ronsard entreprennent de tourner un documentaire sur Agathe Villanova, dans le cadre d’une collection sur "les femmes qui ont réussi".
Critique : Souvenez-vous, dans les années 90, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri remportaient César sur César, ont écrit ou adapté trois films pour Alain Resnais (On connaît la chanson et le diptyque Smoking/No smoking), leurs pièces de théâtre devenaient des succès cinématographiques et chacun de leurs coups de gueule médiatiques (surtout ceux de Bacri) mettaient un peu de piment réjouissant dans le marasme cathodique bien-pensant. Bref les "Jabac", comme les appelait Resnais, étaient les rois du pétrole. C’était il y a dix ans et plus. Une éternité.
Puis les choses se sont un peu compliquées. Agnès Jaoui a réalisé deux films, Le goût des autres et Comme une image, coécrits avec son complice de toujours. Certes le plaisir était toujours là grâce à une justesse de ton et d’observation irréprochable, à des dialogues diablement affûtés et à une interprétation quatre étoiles. Mais nous sentions poindre au fond de nos âmes de spectateurs transis d’admiration une sorte de lassitude pernicieuse au sujet de la représentation vitriolée de l’éternel microcosme parisien, doublée d’un rejet profond pour cette mise en scène clinique, froide et sans audace particulière.
Attendu au tournant, ce Parlez-moi de la pluie n’échappe pas aux défauts génétiques habituels mais parvient tout de même à nous réconcilier avec ces deux figures importantes du cinéma français contemporain. Tout d’abord, les "Jabac" ont eu la bonne idée d’exporter leur univers au-delà du périphérique, dans une campagne du sud de la France. Ce cadre provincial revitalise complètement leur propos par rapport aux névroses parisiennes étouffantes de leurs œuvres précédentes. Loin du paraître de Paris, leur écriture gouleyante s’épanouit et gagne en sincérité, sans tomber non plus dans la gadoue artificielle du terroir. Ils n’ont pas leur pareil pour dépeindre les désirs d’émancipation, entravés par les creusets moraux et sociaux, de personnages condamnés à s’effacer devant la « normalité » de leur destin. La solitude d’une féministe, le train-train de la ménagère, le racisme (malheureusement) ordinaire, le mensonge de celui qui passe à côté de son rêve. Ce sont autant de situations dépeintes avec une acuité impressionnante et un sens du détail parfois ahurissant, la déception de Bacri répétant une phrase de son fils qu’il avait mal comprise et qui met en avant la générosité du nouvel ami de son ex-femme ; c’est le sourcil circonspect de Jamel qui voit partir son attirante collègue ; c’est la douce et faible voix de Mimouna ; c’est un « ne perd pas ton temps », lourd de sens, lâché presque négligemment sur le quai d’une gare par le petit ami de Jaoui, etc...
On ne peut qu’admirer la conduite fluide et cristalline du récit, savourer des dialogues ciselés à la perfection, avoir l’œil qui frise devant les numéros d’acteurs (Jamel Debbouze en tête et enfin adulte), mais on regrettera toujours un peu cette mise en scène « théâtrale » dont la figure de base est le plan (-plan) séquence, ces quelques facilités démago-jeune (le pétard) et des symboles parfois trop ostentatoires comme la citation de Kierkegaard ou l’oubli du mot « sollicitude » par le personnage de Jaoui. Mais cette œuvre orageuse est tellement drôle, cette douce euphorie est tellement contagieuse que nous laissons volontiers les "Jabac" nous imposer leur vision morale et prêcher les convertis que nous sommes, en espérant toujours qu’ils atteignent les cons vertueux. Certains s’en offusqueront et rejetteront en bloc tous ces messages anti-poujadistes, anti-racistes, anti-connerie qu’ils connaissent par cœur. En ce qui nous concerne, nous choisissons plutôt de rester de bon public tant le spectacle en vaut la peine. Mais pour combien de temps encore ?
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romaric 22 septembre 2008
Parlez-moi de la pluie - la critique
Disons le tout de suite : le nouveau film du duo « Jaba » est dans la lignée des précédents et donc sans grande surprise. Mais quand la magie opère une fois de plus, pourquoi bouder son plaisir ? « Parlez-moi de la pluie » offre des dialogues percutants, des situations qui font mouche, des personnages attachants et décrits avec tendresse, de l’émotion, de l’intensité et de l’humour. Que demandez de plus à une œuvre cinématographique ?
Norman06 29 avril 2009
Parlez-moi de la pluie - la critique
Encore une réussite pour les Jaoui-Bacri qui, s’ils n’atteignent pas la perfection du Goût des autres, n’en signent pas moins un récit attachant sur les chocs de culture et les rapports sociaux. La mise en scène discrète de Agnès Jaoui, qui n’a jamais été aussi allenienne qu’avec cet opus, est d’une intelligence et d’une élégance éblouissantes. Un petit bijou.