La peur de l’inconnu
Le 16 juillet 2022
Un film de genre sympathique, à condition de faire abstraction de ses ambitions avortées.
- Réalisateur : Steven Soderbergh
- Acteurs : Juno Temple, Joshua Leonard, Amy Irving, Claire Foy, Jay Pharoah
- Genre : Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 16 juillet 2022 20:40
- Chaîne : OCS Max
- Titre original : Unsane
- Date de sortie : 11 juillet 2018
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Résumé : Une jeune femme, convaincue d’être harcelée, est enfermée contre son gré dans une institution psychiatrique. Alors même qu’elle tente de convaincre tout le monde qu’elle est en danger, elle commence à se demander si sa peur est fondée ou le fruit de son imagination …
Critique : « Un film entièrement filmé au smartphone », c’est l’argument principal sur lequel nous est vendu le nouveau film de Steven Soderbergh. Il serait dommage de nous faire croire qu’il s’agit là d’une révolution dans l’Histoire du cinéma, puisque Paranoïa n’est pas le premier à s’y coller. On pourra notamment citer l’excellent Tangerine de Sean Baker sorti trois ans plus tôt. Mais on connaît depuis longtemps la tendance de Soderbergh à réfléchir ses films davantage par le prisme de leur concept et/ou dispositif que par celui de leur scénario. Alors, si le réalisateur a fait le choix d’utiliser un téléphone pour capter l’histoire de cette femme enfermée en hôpital psychiatrique, peut-être faut-il essayer d’y trouver une raison autre que le seul argument publicitaire – tant pour lui que pour la marque à la pomme d’ailleurs.
Fermons les yeux sur l’unique raison financière (un téléphone coûtera toujours moins cher qu’une caméra professionnelle !) pour se pencher tout d’abord sur le plan formel : l’usage du smartphone permet des prises de vues très rapprochées, parfois assimilables à celles d’un objectif fisheye. Or, en terme de mises en scène de la folie, de telles images sont très efficaces. Pendant toute la première moitié du film où l’on suit de très près Sawyer, cette proximité et cette altération de l’image lors des regains de tension participent pour beaucoup au sentiment de diffraction de la réalité qui fait alors la force du film.
- TM & © 2018 Twentieth Century Fox Film Corporation. All Rights Reserved
Sur un plan plus thématique, la présence du smartphone est également loin d’être anodine. Evidemment, l’accès de Sawyer à un téléphone, qu’il s’agisse de celui de l’établissement ou celui de son codétenu, pour appeler à l’aide est l’un des enjeux majeurs de ce thriller. Mais, plus important encore, c’est la problématique de la dégradation des moyens de communication de manière plus générale qui est au cœur de ce drame. Si le caméo de Matt Damon peut sembler n’être qu’une marque futile de copinage entre l’acteur et le réalisateur, son personnage d’expert en aide aux victimes de harcèlement incarne pourtant cette peur, à l’ère du #MeToo, qui déshumanise tous nos rapports sociaux. Et que ceux de l’héroïne semblent se limiter à l’usage de sites de rencontres pour des soirées sans lendemain n’en est que l’expression, qui va prendre plus encore d’intensité dès lors que le contact « direct » avec ses codétenus et infirmiers va jusqu’à la faire douter de sa propre folie. Ainsi, la place que prennent les réseaux numériques dans notre relation avec le monde est certes, en 2018, une problématique qui peut sembler réactionnaire, l’idée d’utiliser un téléphone pour la capter relève d’une certaine audace.
Cependant, Paranoïa n’est pas uniquement centré sur l’idée que cette perte des repères sociaux puisse être à l’origine des névroses de Sawyer. En effet, en plus de rester trouble sur le fait qu’elle soit en pleine hallucination ou véritablement victime d’un psychopathe qui la harcèle, une troisième piste vient s’ouvrir : celle qu’elle soit victime d’une arnaque à l’assurance. Le film réussit d’ailleurs très bien à nous perdre entre la part de réalité de ces trois hypothèses. Mais, à mi-parcours, alors que la narration va temporairement se détacher de son héroïne, elle en vient à rendre caduque la piste schizophrénique, et abandonne alors tout le potentiel le plus angoissant du film pour le limiter à un banal thriller dont l’unique enjeu serait de voir cette jeune femme réussir à s’enfuir. Heureusement, Soderbergh fait preuve de suffisamment d’habileté, en particulier dans son montage, pour maintenir une tension jusqu’à la dernière seconde. Efficace malgré un scénario décevant... il n’y a rien à dire, Soderbergh reste fidèle à lui-même.
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