Le 5 août 2024
Le dernier film de Patrick Dewaere est une triste fable dystopique, dont la mise en scène constitue assurément le point faible. Bref, le brouillon cinématographique d’une bonne idée initiale.
- Réalisateur : Alain Jessua
- Acteurs : Fanny Cottençon, Philippe Léotard, Jacques Dutronc, Patrick Dewaere, Jeanne Goupil, Jean-Paul Muel, Stéphane Bouy, Patrice Kerbrat
- Genre : Fantastique, Dystopie
- Nationalité : Français
- Distributeur : Parafrance
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 25 août 1982
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Alain devient le cobaye d’un médecin qui a invente un traitement pour combattre les états depressifs et rendre les gens parfaitement heureux.
Critique : Déjà, dans La vie à l’envers, le premier film d’Alain Jessua sorti en 1964, le protagoniste renonçait à toute forme de sentiment pour s’enfermer dans une solitude jouissive. Paradis pour tous en constitue un écho plus moderne, s’inscrit dans l’orthodoxie des films de son auteur, où le discours engagé, sociétal hybride les registres réaliste et fantastique. Illustrant le célèbre adage selon lequel ’l’enfer est pavé de bonnes intentions", la société d’insensibles qu’engendre le docteur Valois corrobore en tout point la définition du bonheur telle que la formulait Leibniz, non pas "une pleine jouissance, où il n’y aurait plus rien à désirer", mais la recherche perpétuelle "de nouveaux plaisirs".
Or, les "flashés" de l’expérience médicale sont figés comme l’est Alain Durieux, symboliquement rivé à son fauteuil, prisonnier de ses mots qui tournent en rond, tel lui-même dans son immense propriété où tout se juge à parts égales, où rien de ce qui arrive ne semble filtré par la conscience d’un libre arbitre, dès lors qu’incapable de discerner ce qui lui semble bon ou mauvais à l’aune de sa propre morale, il s’en remet à celle d’un groupe qui nourrit de semblables pensées. Une fois que l’on tient l’argument du film et qu’on a saisi ses intentions, le reste déçoit à proportion de séquences globalement outrées : aucun personnage ne s’avère suffisamment crédible pour échapper à la pesanteur illustrative (la scène des jingles de publicité remportant haut la main la palme du grotesque).
Ayant décrété que la totalité des protagonistes serait astreinte à la béatitude la plus bouffie d’autosatisfaction, Jessua n’a plus qu’à tricoter des moments idoines, trop souvent excessifs, parfois inquiétants, laissant entrevoir le film qu’aurait pu être Paradis pour tous, s’il avait choisi une franche bifurcation vers le fantastique. On plaint globalement Patrick Dewaere, dont ce fut le dernier rôle, et qui méritait tellement mieux que ce brouet rance. On ne sauvera pas davantage sa partenaire Fanny Cottençon, à l’aube d’une éphémère notoriété cinématographique dans les années 80, Jacques Dutronc globalement amorphe ou Philippe Léotard, dans un rôle de dépressif peint à gros traits, qui ne lui laisse pas une grande marge de liberté dramatique. Quant à Stéphane Audran, on dira que, comme les autres, elle s’est égarée.
Paradis pour tous est un brouillon de film. Dommage, son idée initiale contenait pourtant bien des promesses.
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.