Le 29 février 2020
Un récit qui parvient à s’extraire de son manichéisme initial, pour nous transporter sans atermoiement dans l’univers tonique et désarçonnant de deux enfants confrontés à la dureté de la séparation.
- Réalisateur : Arash T. Riahi
- Acteurs : Léopold Pallua, Rosa Zant, Christine Ostermayer, Alexandra Maria Nutz
- Genre : Drame
- Nationalité : Autrichien
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h42mn
- Titre original : Ein bisschen bleiben wir noch
- Date de sortie : 4 mars 2020
- Festival : Festival Max Ophüls
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Résumé : Oskar et Lily, deux enfants tchétchènes sont sur le point d’être expulsés d’Autriche avec leur mère. Suite à une tentative désespérée de leur maman pour les protéger, l’expulsion est suspendue mais Oskar et Lily sont séparés et chacun placés dans une famille d’accueil. L’espoir des enfants de retrouver leur mère se nourrit de leur amour réciproque et met au défi tous les obstacles de la bureaucratie avec passion et poésie...
Notre avis : La police fait brusquement irruption dans un appartement modeste mais bien tenu, identique à tant d’autres. A la différence près que celui-ci est habité par deux enfants et leur mère, réfugiés de Tchétchènie dont la demande d’asile vient d’être rejetée. Ils sont pourtant en Autriche depuis six ans, fréquentent régulièrement l’école de leur quartier, parlent parfaitement l’allemand et ont même pris soin d’occidentaliser leurs prénoms, en transformant Otsar en Oskar et Leïla en Lily. Par un dernier geste de désespoir qui la conduit à l’hôpital psychiatrique, leur mère leur évite l’expulsion, mais les enfants sont séparés, répartis dans des familles d’accueil différentes.
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Le thème de l’exil nourrit la filmographie de Arash T. Riahi, dont la famille a fui l’Iran pour s’installer en Autriche, alors qu’il n’était qu’un enfant. Si sa première fiction, Pour un instant, la liberté révélait la monstruosité des obstacles bureaucratiques que tout réfugié doit affronter avant d’accéder à la liberté, Oskar et Lily, inspiré du roman éponyme de Monika Helfer et deuxième volet d’une trilogie en cours, s’intéresse aux comportements que des enfants sont capables de mettre mentalement en place pour rendre supportable une réalité insane.
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Si le récit ne sombre jamais dans le misérabilisme grâce à une mise en scène inventive et à la candeur enfantine dans laquelle il baigne, il n’évite pas une accumulation de clichés qui met en péril son authenticité et l’immédiate empathie qu’un tel sujet devrait susciter. Sans nuance, incapables de s’intéresser en profondeur à la détresse des enfants qui leur sont confiés, les adoptants sont décrits comme des personnages égocentriques et futiles, davantage motivés par le désir de s’acheter une bonne conscience que par un réel altruisme. Leur acharnement à vouloir sans relâche inculquer à des exilés, dont les préoccupations sont tout autres, leurs valeurs bien-pensantes et un mode de vie qu’ils estiment incontestables, met mal à l’aise. Parallèlement, l’application presque scolaire à tenter de nous convaincre, avec le même manque de finesse, de la plus-value que ces jeunes gens, porteurs d’une autre culture, représentent pour leur pays d’accueil, fait gentiment sourire. Les actions facétieuses d’Oskar, volant au secours d’une grand-mère qui fait tâche dans le paysage d’une famille prétendument idyllique, ou le soutien inespéré de Lily à une camarade de classe marginalisée et rejetée par ses congénères, concourent à lutter contre la morosité, tout en vantant les qualités exceptionnelles de ces valeureux enfants.
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Et puis la caméra prend soudainement de la hauteur. Plans aériens, plans renversés allègent l’ambiance et la narration s’extirpe de cette réalité brute, pour revêtir les atours du conte. Adoptant le point de vue de ces deux enfants d’âge différent (Lily est une adolescente, Oskar n’est encore qu’un garçonnet), elle nous transporte dans un monde de poésie et de rêves, échappatoire nécessaire pour dissimuler la douleur autant que pour redonner des couleurs à une histoire empêtrée dans un discours partisan. Entre humour et résignation, entre grâce et désenchantement, entre légèreté et combativité s’installe alors un juste équilibre largement soutenu par la justesse et la spontanéité des deux jeunes comédiens, qui portent le film de bout en bout sans jamais faiblir. A défaut d’être un film politique totalement abouti, Oskar et Lily n’en reste pas moins une fresque humaniste touchante et nécessaire.
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Prix du public festival Max Ophüls - Salzbourg 2020
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