Le 1er novembre 2022
Lion d’or au Festival de Venise 1955, ce chef-d’œuvre de Dreyer frappe par sa perfection plastique et sa réflexion sur les croyances religieuses. Un grand moment de cinéma.
- Réalisateur : Carl Theodor Dreyer
- Acteurs : Birgitte Federspiel, Henrik Malberg, Emil Hass Christensen, Preben Lerdorff Rye, Cay Kristiansen
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Danois
- Distributeur : Diaphana Distribution, Les Grands Films Classiques, K Films, Capricci Films
- Durée : 2h06mn
- Date télé : 22 juillet 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 9 novembre 2022
- Date de sortie : 28 septembre 1955
- Festival : Festival de Cannes 1955
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Résumé : En 1930, dans un village du Jutland. Morten Borgen exploite ses terres avec l’aide de ses trois fils. L’aîné, Mikkel, est marié et sa femme Inger est sur le point d’accoucher. Johannes, le second, est un illuminé qui se prend pour le Christ et parcourt la campagne en prophétisant. Anders, le plus jeune, est amoureux d’Anne, mais son père s’oppose à leur union pour des raisons de dissensions religieuses…
Critique : Du Président (1919) à Gertrud (1964), Carl Theodor Dreyer fut un maître du cinéma mondial. Admirateur de Griffith et de l’expressionnisme allemand, il a signé des œuvres désenchantées, montrant le poids de la chrétienté et des carcans sociaux sur les individus, et notamment les femmes (La passion de Jeanne d’Arc, 1928). Ses drames ont également été à la frontière du fantastique, à l’instar de Vampyr (1932) ou Jour de colère (1943). Ordet (également connu sous le titre français La parole) est tiré d’une pièce de théâtre du pasteur danois Kaj Munk, déjà portée à l’écran en 1944 par le réalisateur suédois Gustav Molander. Dreyer a simplifié plusieurs aspects du matériau initial et assumé un dispositif apparent de « théâtre filmé » (les scènes en extérieur sont rares), tout en le greffant à ses préoccupations mystiques et sa conception de la mise en scène de cinéma. Fervent croyant, Dreyer dénonce en premier lieu l’intolérance religieuse, incarnée par les deux patriarches. Malgré leur lien de voisinage et une certaine camaraderie (qui n’exclut pas les discussions houleuses), Morten Borgen et Peter Petersen s’opposent catégoriquement au mariage de leurs enfants, en raison de leur appartenance à des communautés religieuses différentes.
- © Capricci
L’athéisme supposé du fils aîné et du médecin de famille, s’il semble engendrer moins de conflits, confère aux personnages une froideur et un manque de compassion. Et si tous considèrent comme fou le frère cadet qui se prend pour Jésus-Christ et professe des paroles confuses, c’est bien lui qui aura un rôle déterminant dans la résolution du drame familial au cœur de la narration, dans la seconde partie du récit. Loin d’être un pensum théologique ou un mélodrame aux relents de bondieuserie, Ordet est une tragédie poignante, dont le pouvoir de fascination doit aussi, et surtout, à la mise en scène : des plans fixes et plans-séquences sobres, une épure dans le dispositif artistique et technique (décor, musique), un noir et blanc lumineux signé Henning Bendtsen… Et l’on ne peut qu’approuver Jacques Doniol-Valcroze lorsqu’il écrivait : « Il n’y a pas une séance du dialogue, un millimètre de l’image qui n’aient été exactement contrôlés par l’auteur, tout est à sa juste place sans une hésitation, sans aucune autre place possible » ; ou Paul Schrader voyant dans Ordet « l’apogée esthétique et morale dans l’œuvre de Dreyer » .
- © Capricci
Et il est clair que le réalisateur rejoint ici certains autres grands auteurs de son temps, dont Rossellini, Bresson ou Ozu. L’interprétation, brillante, est dominée par la resplendissante Birgitte Federspiel, que l’on retrouvera dans La faim de Henning Carlsen et Le festin de Babette de Gabriel Axel. Présenté au Festival de Venise 1955, Ordet y reçut le Lion d’or, malgré les réserves qu’il suscita après sa projection, y compris au sein du jury. Il fut très vite considéré comme un chef-d’œuvre, reconnu internationalement. Parmi ses autres distinctions, on peut citer le Golden Globe du meilleur film étranger et la seconde place dans le Top 10 annuel des Cahiers du Cinéma. Le film, notamment par sa scène du miracle, influencera Lars von Trier (Breaking the Waves) et Carlos Reygadas (Lumière silencieuse).
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