Dreyer et l’apogée de l’art muet
Le 14 juillet 2013
Le procès et l’exécution de Jeanne d’Arc. Ce sommet de l’art muet, chef-d’œuvre de Dreyer, est fascinant par sa mise en scène et l’interprétation grandiose de Falconetti.
- Réalisateur : Carl Theodor Dreyer
- Acteurs : Michel Simon, Antonin Artaud, Maurice Schutz, Jean d’Yd, Renée Falconetti, Eugène Silvain, André Berley, Alexandre Mihalesco, Jean Ayme
- Genre : Drame, Historique, Film muet, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Editeur vidéo : Home Vision Entertainment
- Durée : 1h22mn
- Date de sortie : 25 octobre 1928
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Résumé : Le récit du procès de Jeanne d’Arc en 1431, où elle fut accusée d’hérésie par des juristes ecclésiastiques décidés à lui faire abjurer ses prétentions de visions saintes, et au terme duquel elle fut brûlée sur le bûcher.
Critique : Maître du cinéma muet danois, auteur de Pages arrachées au livre de Satan (1920), Carl Theodor Dreyer se voit invité en France par la Société Générale de films qui lui propose de tourner une œuvre à partir d’un manuscrit de l’écrivain Joseph Delteil. De cette commande, Dreyer réalise l’aboutissement de ses recherches d’avant-garde et l’un des derniers sommets du cinéma muet, de la même importance que L’aurore, Metropolis ou Le cuirassé Potemkine. Loin de l’hagiographie sulpicienne, le cinéaste filme le portrait d’une jeune femme sincère et souffrante, victime du dogmatisme et de l’intégrisme religieux, incarnés par des ecclésiastiques intransigeants à la solde de l’occupant.
- © Gaumont
La passion de Jeanne d’Arc, d’un dépouillement total, refuse le surplus décoratif d’un Cecil B. DeMille et opte pour le minimalisme des effets. L’architecture est sobre et envoûtante, à l’image de cette photo subtile jouant du blanc, du noir et du gris. Le champ-contrechamp oppose les grimaces accusatrices de l’évêque Cauchon (Silvain), Jean d’Estivet (André Berley) ou Nicolas Loyseleur (Maurice Schutz), au visage meurtri de Jeanne, devant affronter incompréhension, humiliation et, dans tous les sens du terme, la mauvaise foi d’une assemblée refusant la remise en cause de son autorité institutionnelle. La martyre est la plupart du temps filmée en gros plans, visage décomposé par les larmes pour ne former qu’un effrayant sanglot. Le procédé étonna le public, et Dreyer se montre ici novateur. Il pensait pourtant expérimenter ce procédé en projetant de tourner un film parlant, ce qui ne put se faire. L’actrice Falconetti porte ici littéralement ces séquences, en offrant une vision terrifiante de la sainte jusqu’à cette scène où elle se fait raser la tête devant la caméra. Son interprétation est peut-être la plus impressionnante du cinéma muet.
- © Gaumont
D’une solide distribution comprenant aussi Michel Simon, Jean d’Yd ou Alexandre Mihalesco, on retiendra surtout chez les partenaires masculins la composition d’Antonin Artaud, charismatique Jean Massieu. La passion de Jeanne d’Arc confirmait l’attachement de Dreyer au thème du mysticisme, qui trouvera chez lui d’autres échos avec Jour de colère et Ordet. Le film reste la plus belle inspiration cinématographique du mythe de Jeanne d’Arc, quelles que soient les qualités de films proposés par des cinéastes tels Robert Bresson, Otto Preminger ou Jacques Rivette (nous ne dirons rien du blockbuster de Luc Besson). Longtemps invisible à cause d’incendies ayant détruit le négatif, La passion de Jeanne d’Arc a été restauré dans les années 80 grâce à une copie miraculeusement trouvée dans un hôpital psychiatrique d’Oslo.
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