Star system
Le 22 juin 2022
La déclaration d’amour que Tarantino fait à l’industrie hollywoodienne contemporaine de la libération sexuelle des années 60, n’est une surprise pour personne. Ce qui est plus étonnant, c’est qu’il le fasse à travers le personnage d’un acteur au bord du burn out, et qu’il refuse d’assumer qu’il parle de lui.
- Réalisateur : Quentin Tarantino
- Acteurs : Brad Pitt, Al Pacino, Leonardo DiCaprio, Bruce Dern, Emile Hirsch, Timothy Olyphant, Dakota Fanning, Damian Lewis, Austin Butler, Luke Perry, Margot Robbie, Brenda Vaccaro, Margaret Qualley
- Genre : Comédie dramatique, Thriller
- Distributeur : Sony Pictures Releasing France
- Durée : 2h45mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 14 août 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019
Résumé : En 1969, la star de télévision Rick Dalton et le cascadeur Cliff Booth, sa doublure de longue date, poursuivent leurs carrières au sein d’une industrie qu’ils ne reconnaissent plus.
- Brad Pitt et Leonardo DiCaprio dans "Once Upon a Time... in Hollywood"
- © 2019 Columbia Pictures / Sony Pictures Releasing France. Tous droits réservés.
Critique : Depuis la Palme d’Or remise à Pulp Fiction en 1994, le fait que Quentin Tarantino soit un cinéphile érudit et que son œuvre soit ultra référencée est devenu un euphémisme que personne n’oserait remettre en question. Même le principal intéressé semblait avoir voulu s’en amuser quand, dans son précédent long métrage, Les 8 Salopards, il prenait pour principale source de références ses propres réalisations. Le projet de le voir consacrer son nouveau film à l’univers de Hollywood était donc prometteur, puisqu’on pouvait imaginer de sa part un récit qui déborde d’anecdotes et se créerait ainsi sa propre mythologie. Ce résultat n’est pas au rendez-vous dans la mesure où le cinéaste, certes, multiplie les clins d’œil comme il l’a toujours fait, allant jusqu’à transformer certains passages en jeu de pistes pour initiés, mais ne nous dévoile rien de nouveau sur une grosse machine à rêves, ni sur la période à laquelle il situe son histoire, à savoir la fin des années 60.
Sa démarche rappelle en fait celle de Tim Burton lorsqu’il avait élaboré le biopic sur Ed Wood, à savoir qu’il utilise sa reconstitution du travail d’un artiste pour évoquer ses propres remises en question personnelles. Ici, le personnage principal est un acteur fictif, incarné par Leonardo DiCaprio, alias Rick Dalton, une ancienne star d’une série télévisée, dont la carrière est désormais cantonnée à des petits rôles de méchants. Tarantino voit-il en lui son alter ego, celui d’un artiste sans avenir ? Peut-être se reconnaît-il davantage dans le binôme que Rick forme avec son cascadeur, Cliff Booth, incarné par Brad Pitt. Cette association configure un duo qui cherche toujours à se renouveler. Quoi qu’il en soit, le spectateur devra déterminer l’interprétation de cette symbolique complémentarité entre les deux hommes, pour saisir la portée de la démarche du cinéaste, et ainsi y voir un long métrage loin d’être aussi fun que l’image enchantée dont il veut lester cette époque. Pour rappel on parle de quelqu’un qui a évoqué l’esclavage avec plus de pep’s, et surtout d’une période que Paul Thomas Anderson (pas un roi de comédie) a su représenter, dans Inherent Vice, sous son angle le plus psychédélique.
- © 2019 Columbia Pictures / Sony Pictures Releasing France. Tous droits réservés.
En effet, la traversée du désert, sur un plan aussi bien affectif que professionnel, que vivent ces deux personnages, à travers lesquels il ne fait plus aucun doute que Tarantino parle de lui-même, fait de ce Once Upon a Time in Hollywood un film marqué par une tonalité intrinsèquement morose. Quelques touches d’humour loufoque et/ou violent (pas tant que ça !) et surtout une bande originale enjouée, qui sont les marques du réalisateur, ne suffisent pas à masquer le caractère désenchanté qui transparaît de l’écriture de ce scénario. Et pourtant, il n’est pas aisé de voir le discours que Tarantino cherche à tenir. La construction des plus foutraques qu’il a privilégiée pour son récit, semble continuellement dévolue à compenser cette grille de lecture emphatique qu’il n’assume pas.
Ainsi, les scènes se succèdent, sans forcément qu’elles fassent avancer l’intrigue. C’est notamment le cas des rencontres que le personnage de Brad Pitt fait avec ceux de Bruce Lee (Mike Moh) puis de George Spahn (Bruce Dern). Cette dernière, d’ailleurs, dont la mise en scène emprunte astucieusement à celle d’un film d’horreur, semble n’avoir été placée là que pour justifier le caractère « méchant » de la bande de hippies, qui croise la route des héros. Or, c’est cet élément qui rend la conclusion du film très problématique, puisque - ce n’est un secret pour personne -Margot Robbie incarne Sharon Tate, et le traitement que Tarantino fait de l’assassinat de cette jeune starlette, muse de Polanski, soulève des interrogations morales qu’il est impossible d’évoquer sans rien en divulguer (ce que nous nous sommes promis de ne pas faire). Bref, la finalité de Tarantino est assez trouble, car il ne semble pas vouloir admettre que la mélancolie de ses personnages vient uniquement de lui, mais n’arrive pas à rendre jouissive son immersion dans une époque pour laquelle il manifeste un grand attrait. Peut-être a-t-il découvert que tout n’était pas rose dans le Hollywood de ses rêves. Il est alors dommage de n’en partager qu’un terrible désenchantement.
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Danny_1952 22 août 2019
Once Upon a Time... in Hollywood - la critique contre
Je dois dire que je n’ai jamais été une fan de Tarantino. Il ne suffit pas de tout connaître du cinéma hollywoodien et de s’amuser à en faire une caricature grotesque pour me plaire. Je ne suis pas snob à ce point !
Ce film est bourré de clichés et de longueurs qui ne servent à rien sinon à nous montrer de quoi Hollywood avait l’air dans les années 60. Plat et ennuyeux. J’ai détesté.
Je voulais ne mettre qu’une seule étoile à ce film, mais je n’y arrive pas. Quelqu’un a dû décider qu’on ne pouvait pas lui donner moins de 3 étoiles. En tout cas, si j’essaie d’en donner moins, ça revient à trois. Alors sachez que je n’avais donné qu’une seule étoile.
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Julia Tequi 17 septembre 2019
Once Upon a Time... in Hollywood - la critique contre
Un film nostalgique et intelligemment surprenant !
Ce film, c’est la vision d’un enfant qui a vécu cette époque de plein fouet, qui ne veut en garder que le meilleur, comme un petit monde idéaliste, que l’on garde pour soi, pour se souvenir et pour s’y replonger lorsque le besoin s’en fait sentir. C’est une profonde nostalgie de toute une époque, d’un cinéma qui n’existe plus, d’une musique qui fait danser et d’un état d’esprit qui a disparu depuis longtemps. La période bénie du western, qui commence malheureusement à s’essouffler et de ses stars reléguées aux seconds rôles, parce que plus à la mode. Alors, peut-être que vous penserez que c’est plutôt la génération de vos parents, c’est bien le cas d’ailleurs, mais même vous, vous pourrez reconnaître nombre de clins d’œil et de références. Surtout, chacun d’entre nous pourra vraiment ressentir toute la mélancolie qui en ressort, cette tristesse de voir la fin d’un cycle et le modernisme qui prend peu à peu sa place, presque une sorte de deuil. Même si tout n’était pas si rose, que la violence commençait déjà à couver, avec notamment l’un des plus gros drames de l’Histoire américaine, il y a ce petit goût de « c’était mieux avant », qui restera dans un coin de votre tête. Comme toujours, Quentin Tarantino a un véritable talent pour réécrire le temps, pour en garder le meilleur et peut-être rendre une certaine justice, c’est sa façon à lui de voir les choses. On peut ne pas adhérer à son style, personnellement, j’en suis fan depuis longtemps et chaque film renouvelle un peu plus ma passion pour son travail. Cependant, pour ceux qui n’apprécient pas la violence souvent présente dans ses métrages, il y en a justement beaucoup moins ici, seule la scène finale l’est vraiment d’ailleurs. Par contre, accrochez-vous, parce qu’il n’y va pas avec les pincettes, elle est assez dure, voir choquante par certains aspects, mais sachez que pour autant, ce n’est pas gratuit et tout à un sens. En ce qui concerne le scénario, là encore, il est très bien écrit, il sait mettre en place les éléments avec intelligence, tout prend sa place doucement, pour une apothéose grandiose. Non, ce n’est pas trop long, pour ma part, je n’ai pas vu le temps passé, baignée dans cette ambiance, transportée dans un univers passionnant, avec un humour tout à fait subtil et même presque sarcastique. Ce n’est pas seulement l’histoire d’une star sur le déclin et de celle de son ami également, c’est aussi celle d’un drame qui nous a tous marqués, qui couve tel un fil conducteur. On sait comment tout ça va finir, mais on a envie de croire à cette jolie bulle de rêve, parce que ce serait plus juste, c’est pour ça, que l’émotion sera si forte, si vraie et qu’elle nous prendra si intensément aux tripes. Quant au casting, Leonardo DiCaprio est incontestablement parfait, mais j’ai eu un vrai coup de cœur pour le rôle de Brad Pitt et Margot Robbie est tout simplement idéale.
En bref : Un film qui a su réécrire l’Histoire, qui nous offre une vision d’une époque dans toute sa splendeur, joliment nostalgique, on en ressort profondément touché et avec quelques larmes au coin des yeux !