Ombres et lumières - la critique du film

© 2018 Compagnie Avril Enchanté. Tous droits réservés.

Notre avis : Le lyrisme à son sommet, souligné, à chaque fois, par les magnifiques transitions du compositeur Jean Prodromidès. Ombre et Lumières décline le thème de la prostitution à travers quatre histoires d’amour ardentes, que des corps filmés avec une grâce picturale, transcendent de manière quasi mythologique. Si l’ensemble se dilue parfois dans un syncrétisme fouillis, où se croisent le pacte faustien, l’exorcisme libérateur ou l’amour saphique, l’ensemble parvient à séduire par la manière dont il investit les espaces clos, accordant aux étreintes les tons fauves qui leur conviennent ou des couleurs plus froides sur fond de déchirements. C’est parfois affecté, tels ces ralentis qui surlignent dramatiquement des situations à forte charge émotive ou quelques dialogues dont la présence redouble ce que la mise en scène parvient à suggérer, comme s’il fallait ajouter la caution d’une référence souveraine, en l’occurrence la poésie, en l’occurrence Baudelaire. La note d’intention du réalisateur ne s’en cache pas, citant La mort des amants : "Ce poème m’a inspiré pour l’atmosphère générale de ces quatre histoires".

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On cherche la traduction en images "des divans profonds comme des tombeaux". Mais sans doute s’agit-il du spleen que les personnages traînent avec plus ou moins d’authenticité, lorsque des corps qui s’étreignent démentent des dialogues qui séparent et s’aperçoivent, pour paraphraser Gainsbourg, que "l’amour physique est sans issue". Davantage que les effets de mise en scène, où forcément le sang connotatif perle en gouttes distillées, on préfère les anatomies silencieuses, réduites à l’expression d’un désir, conjurant la menace par une étreinte fougueuse. Et pendant que la vie s’écoule, sans qu’aucun personnage n’ait trouvé la clef des sentiments, la même transition crépusculaire fait défiler un paysage de train : tant que le monde est monde, peuplé d’humains, la joie amère d’aimer et l’irrépressible désir d’y céder justifieront toute forme d’existence sur Terre.