vive le vent
Le 17 décembre 2013
Quoi de mieux qu’un thriller efficace pour nous faire ressentir l’ambiance de la Tunisie post printemps arabe ? Entre culpabilité et espoir, il y a un monde à construire.
- Réalisateur : Homeïda Behi
- Acteurs : Aure Atika, Farid Elouardi
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 1h28mn
- Date de sortie : 18 décembre 2013
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Homeïda Behi nous livre un premier long métrage sur l’ambiance de la Tunisie post printemps arabe. Entre culpabilité et espoir, il y a un monde à construire.
L’argument : Quelques mois après la révolution dans la banlieue nord de Tunis. Youssef Slimane et sa femme Claire sont agents immobiliers de villas de luxe. Ils cherchent notamment à louer la villa "Nesma", une grande demeure moderne aux pièces lumineuses. Leur vie bascule le jour où un homme usurpe l’identité de Youssef afin de puiser dans ses comptes bancaires. La grande villa à louer sera le théâtre d’évènements sombres.
Notre avis : Homeïda Behi a choisi de parler de l’ambiance qui règne en Tunisie après le printemps arabe de la façon la plus intelligente possible, en l’abordant de biais, via le cinéma de genre. Il aurait pu faire un documentaire ou livrer une fiction politique à la Costa Gavras. Ca aurait peut-être été un peu lourd. Il a préféré réaliser un thriller. En incarnant via la fiction l’émotion que peuvent ressentir ceux qui vivent le changement, Homeïda Behi parvient efficacement à nous la faire ressentir. Youssef est un personnage rattrapé par son passé. Il a vécu confortablement sous la dictature. Un double surgit pour le faire payer. Il ne semble pas y avoir d’échappatoire. Ce double, ce n’est en fait rien d’autre que le sentiment de culpabilité de Youssef. Sa conscience le rattrape. Le dispositif mis en place rappelle certains classiques comme Lost highway (où un homme mystérieux ramène le personnage principal à l’horreur de ses actes qu’il essaie de dénigrer) ou encore Caché (une histoire de culpabilité liée à la question algérienne). © Zelig Films DistributionLe suspense est certes prenant, on a envie de connaître le fin mot de l’histoire, mais la qualité première du film n’est pas liée à la résolution de l’énigme. Il faut plutôt la chercher dans l’ambiance, le climat qu’il instaure. Il parvient à distiller une angoisse sourde via quelques images fortes : un nuage de pesticides contre les moustiques, des plans fixes sur les pièces vides d’une villa, des scènes nocturnes, des coups de fils inattendus, etc. Ce parti pris confère au film une richesse esthétique, presque poétique. On touche là au pouvoir de la représentation qui transcende le négatif via la beauté. © Zelig Films DistributionCependant si le film n’était qu’esthétique ou uniquement basé sur une sensation, il serait superficiel. Mais il a du sens : la forme donne ici chair à de l’indicible. Et il fait même mieux que d’avoir du sens : il est intelligent parce qu’il a une unité. Le film est en effet très bien construit. L’histoire se cristallise autour d’une grande villa que Youssef et sa femme Claire cherchent à vendre. Personne n’en veut, il semblerait que cette demeure soit trop liée au passé du pays. Nesma c’est le nom de cette villa. Elle est le miroir de la Tunisie. La maison vide est à l’image du pays : peuplée de fantômes et de promesses. C’est un endroit où le temps est suspendu, où tout reste à faire, pour le pire ou le meilleur. Car Behi n’est pas naïf. Il sait que si les régimes changent, l’homme ne change pas. Il nous montre des personnages corrompus qui essaient de tirer les marrons du feu. Youssef croise ainsi un flic ripoux qui aimerait bien habiter la villa. Pour autant le film ne sombre pas dans le pessimisme. Parallèlement à l’histoire du couple Youssef/Claire, on suit une adolescente et son petit frère : deux personnages innocents, qui sont dans la vie. Ils pourraient être contaminés par le renfermement de leurs parents qui ne cessent de leur répéter de ne pas rester dehors car il fait trop chaud. Mais ils sortent quand même, ils n’ont cure de la chape de plomb qui règne sur le pays. Behi les filme avec amour et les deux acteurs sont formidables dans leur simplicité. Eux aussi traînent parfois du côté de la villa. Mais là où des gens comme Youssef peuplent le vide d’images mortifères (très belle scène où Youssef regarde les fourmis au fond de la piscine vide), eux s’amusent dans la propriété. Nesma ça veut dire "brise". Via ce regard innocent, on comprend que la maison pourrait alors bien un jour connaître à nouveau la joie, tout n’est pas perdu. Le lieu n’est rien en soi. Finalement il n’est que ce qu’on y projette. Homeïda Behi nous livre donc un beau message politique : il ne nous ment pas sur le fait qu’il est difficile de construire une société idéale mais il nous dit qu’il y a de l’espoir. On pourrait ajouter que l’existence même de ce film en apporte une preuve évidente.
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