Infidèle Disney
Le 8 novembre 2020
Une adaptation en prises de vue réelles de l’un des meilleurs « classiques » Disney ? Pas tout à fait. Car le studio aux oreilles de Mickey a laissé au film d’animation original tout ce qui en faisait la force : l’humour de Mushu et du criquet, mais surtout la véritable dimension subversive de la transidentité.
- Réalisateur : Niki Caro
- Acteurs : Jet Li, Donnie Yen, Jason Scott Lee, Yifei Liu, Yoson An
- Genre : Fantastique, Film pour ou sur la famille, Aventure
- Nationalité : Américain
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Durée : 1h55mn
- Date de sortie : 22 juillet 2020
Résumé : Lorsque l’Empereur de Chine publie un décret stipulant qu’un homme de chaque famille du pays doit intégrer l’armée impériale pour combattre des envahisseurs venus du nord, Hua Mulan, fille ainée d’un vénérable guerrier désormais atteint par la maladie, décide de prendre sa place au combat. Se faisant passer pour un soldat du nom de Hua Jun, elle se voit mise à l’épreuve à chaque étape du processus d’apprentissage, mobilisant chaque jour un peu plus sa force intérieure pour explorer son véritable potentiel… Commence alors pour Mulan un voyage épique qui transformera la jeune fille en une guerrière aux faits d’armes héroïques, honorée par tout un peuple reconnaissant et faisant la fierté de son père.
Critique : Le cinéma épique chinois nous a depuis longtemps prouvé qu’il était largement légitime face aux grands blockbusters familiaux de Hollywood. Viennent à l’esprit les grandes épopées signées des maîtres Tsui Hark et Zhang Yimou. Mais pour prouver à quel point il était un studio moderne, engagé dans la lutte contre les discriminations sexuelles, Disney devait impérativement confier la réalisation de ce nouveau Mulan à une femme. Il y a fort à parier qu’il se serait attiré les foudres des journalistes et des spectateurs, si tel n’avait pas été le cas. Toutefois, force est de constater, au regard du travail accompli, que la réalisatrice néo-zélandaise Niki Caro n’a pas été à la hauteur d’un tel ouvrage.
- Copyright Walt Disney
Ce qui frappe dès les premières minutes du film, c’est la photographie très terne de Mandy Walker, les décors du village très sombres dont on devine sans mal qu’ils ont été construits et utilisés pour le tournage en studio. Même les scènes extérieures ne mettent pas en valeur la nature sauvage de la Chine. Il faut attendre le dernier tiers du film pour offrir aux yeux le réveil de la mise en scène : des moments d’action peu sophistiqués, mais qui fonctionnent, et quelques plans bien calibrés. La réalisation va au plus simple, tout comme la psychologie des personnages, qui manque de complexité par rapport au film d’animation de 1998.
- Copyright 2019 Disney Enterprises, Inc. All Rights Reserved. / Jasin Boland
L’actrice Yifei Liu, qui joue le rôle-titre, n’est pas éblouissante, mais fait le job ; le capitaine Li Shang a laissé place, comme allié et potentiel amant de Mulan, à Chen Honghui, un soldat engagé mais peu charismatique, effaçant ainsi la différence hiérarchique entre les deux personnages, qui pouvait être assimilée au patriarcat. À l’inverse, l’antagoniste Bori Khan, très bien campé par Jason Scott Lee, ne manque pas de charisme. Comme Shan-Yu dans le film original, c’est un méchant brave et habile, quoiqu’assez fourbe. Enfin, il manque au film la touche d’humour qu’apportaient Mushu et le criquet. La mémoire et la force des ancêtres sont ici symbolisées sous la forme d’un phénix, qui suit l’héroïne tout au long de son périple.
- |Copyright 2020 Disney Enterprises, Inc. All Rights Reserved. / Jasin Boland
Près de deux heures durant, la question du patriarcat n’apparaît qu’en demi-teinte. Très présente dans la première partie du film, elle est peu à peu délaissée au profit du récit épique, tandis que le sujet de la transidentité n’est traité qu’au travers de l’armure de soldat que porte Mulan, même si la dernière partie du long métrage lui permet de mettre sa féminité au jour et de s’assumer en tant que femme, sans qu’aucun homme ne soit choqué outre mesure – contrairement, là encore, au dessin animé.
Il fallait bien s’attendre à ce que ce Mulan 2020 soit politiquement très correct et artistiquement décevant, Disney se contentant de faire commerce de la nostalgie du public. Pas une seule scène chantée, mais une morale féministe et progressiste indemne et intemporelle.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Tristan Isaac 8 novembre 2020
Mulan - Niki Caro - critique
L’orientation donnée par Disney au remake live action de sa Mulan est, à mon avis, plus stratégique qu’idéologique : pour les Chinois, cette légende célèbre l’honneur familial et la piété filiale, conformément à la morale confucéenne, bien plus qu’elle ne dénonce le patriarcat ou ne pose la question de la transidentité. Or, c’est ce nouveau marché, aujourd’hui le deuxième au monde, que la Walt Disney Company souhaitait conquérir avec ce film et elle devait tout à la fois, pour optimiser ses chances de réussite, passer la censure gouvernementale et éviter d’offenser le public populaire, qui aurait pu considérer le long-métrage comme une forme d’appropriation culturelle. C’est donc paradoxalement pour rester fidèle au matériau d’origine de sa narration que Niki Caro a été contrainte de ne pas l’être au dessin animé que le studio lui avait demandé d’adapter en prises de vue réelles.