In the mood for love
Le 2 mai 2010
À travers le parcours d’une transsexuelle en quête d’un sens à son existence, Mourir comme un homme est bouleversant d’humanité. Tragique et poétique.
- Réalisateur : João Pedro Rodrigues
- Acteurs : Fernando Santos, Alexander David, Gonçalo Ferreira de Almeida
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Français, Portugais
- Distributeur : Épicentre Films
- Durée : 2h13mn
- Titre original : Morrer como um homem
- Date de sortie : 28 avril 2010
- Festival : Festival de Cannes 2009
Résumé : Tonia, une transsexuelle vétéran des spectacles de travestis à Lisbonne, voit s’effondrer le monde qui l’entoure : son statut de star est menacé par la concurrence des jeunes artistes. Pressée par son jeune copain Rosário d’assumer l’identité de femme et de se soumettre à l’opération qui la fera changer de sexe, Tonia lutte contre ses convictions religieuses les plus intimes. Pour s’éloigner de tous ses problèmes, elle part à la campagne avec Rosário. Après s’être égarés, ils se retrouvent dans une forêt enchantée, un monde magique où ils rencontrent l’énigmatique Maria Bakker et sa copine Paula. Cette rencontre va tout faire basculer...
Critique : Un homme, filmé en plan serré, se maquille durant de longues minutes afin d’être parfaitement dissimulé dans la forêt dans laquelle il s’apprête à effectuer une mission militaire ; ainsi commence Mourir comme un homme où tout est résumé dans une première séquence très réussie. En effet, tous les personnages de ce long-métrage de João Pedro Rodrigues (O fantasma, Odete) vivent dans la dissimulation et la transformation. Tonia, l’héroïne transsexuelle, évolue dans une douleur constante entre son vécu intérieur, son désir pour l’homme qu’elle aime et son environnement qui ne revêt pas l’apparence qu’elle souhaite.
- © Epicentre Films
L’aspect extérieur qu’elle renvoie à autrui est au cœur des préoccupations de ce personnage central qui se définit comme femme mais dont le corps reste masculin. Par ailleurs, au-delà de cette dichotomie interne, Tonia doit faire face aux jeunes générations transsexuelles, aux beaux corps robustes et la peau lisse, elle qui se voit péniblement vieillir. Si cette transformation incontrôlable du corps la questionne, elle n’en reste pas moins le vecteur de son acceptation identitaire. Assumant sa féminité, ce personnage est entouré d’individus qui l’acceptent telle qu’elle est, la soutiennent dans sa démarche et lui ressemble, à l’exception de son fils particulièrement virulent à son égard. Le jeune homme la renvoie au caractère masculin initial de sa sexualité : même entièrement devenue femme, Tonia n’en reste pas moins père.
- © Epicentre Films
Mourir comme un homme est un mélodrame où les émotions de tous les protagonistes sont très présentes et constituent le fil dramatique du récit. Le cinéaste, très proche de ses personnages, filme au plus près leurs visages, nous permettant d’entrer dans leurs ressentis intimes et interrogations, de partager leur quotidien. La relation entre l’héroïne et Rosario, son petit ami, représente l’un des ressorts principaux de l’histoire et l’on s’attache particulièrement à eux. L’amant est très jeune ; on ne peut ignorer le caractère œdipien de cette relation et l’on redoute une issue tragique à leur amour passionnel. Avec lui, Tonia vit en accord avec elle-même, entièrement honnête. Mais la souffrance de ne pas pouvoir aller au bout de sa transformation à cause de ses convictions reste présente à chaque instant de son existence. Au cours d’une balade en forêt, cette femme vit une expérience quelque peu surréaliste, dans un ailleurs indéterminé, en communion avec ceux qu’elle aime et côtoie. Cette séquence onirique, dans un lieu de perdition (sous effet de champignons hallucinogènes ?), représente une transition dans le récit. Il n’est plus question de construire un personnage mais de renforcer une identité : l’héroïne magnifiée rayonne non seulement parce qu’elle est belle mais aussi parce qu’elle accepte la nature tragique de son personnage.
- © Epicentre Films
Mourir comme un homme est un instant de poésie et d’humanité profondément touchant parce qu’il fait fit de toute considération sociale et morale. Tonia est une femme resplendissante, dont les failles et les doutes constituent aussi sa force et lui permettent de s’affirmer en tant qu’individu, car la question qu’elle se pose et qu’elle nous pose est bien : qui suis-je ?
- © Epicentre Films
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’Boo’Radley 13 mai 2010
Mourir comme un homme - La critique
"Mourir comme un homme" est une oeuvre hybride, tantôt simpliste, tantôt raffinée, constamment tendre. Tonia la transsexuelle est le personnage de chair et d’os bouleversant qui, au tournant de sa vie, accapare l’oeil de l’objectif. Pour raconter sa tragédie, João Pedro Rodrigues témoigne d’un indiscutable lyrisme dans l’étrange et le baroque. A signaler l’utilisation de nombreux intermèdes musicaux en marqueterie d’états d’âme, dont une inoubliable séquence dans la forêt. Le film risque pourtant d’ennuyer ceux qui se refuseraient à entrer dans ce monde maniéré d’une beauté vénéneuse. A ne mettre qu’entre des mains ouvertes.