Motel Destino - Karim Aïnouz - critique

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Critique : Après le flamboyant mais néanmoins classique Le jeu de la reine, Karim Aïnouz revient sur ses terres brésiliennes à l’instar du magnifique La vie invisible d’Eurídice Gusmão. Le réalisateur installe sa caméra dans un hôtel fréquenté uniquement par des couples en mal de relations sexuelles très sonores dans un contexte assez confus de trafic de drogue et règlements de compte. Motel Destino met en scène un jeune homme, très beau de sa personne, toujours coiffé impeccable, comme s’il sortait d’un tournage d’un téléfilm érotique, qui rêve de quitter Ceará pour rejoindre une grande ville, et les deux tenanciers de l’hôtel. Autour d’eux trois tournent une cheffe de cartel et ses hommes de main, prêts à en découdre avec celles et ceux qui ne règlent pas leurs dettes. Justement, Heraldo est criblé de dettes ; il trouve refuge dans cet espace de nuit où, immanquablement, il va nouer une relation avec la femme qui tient le comptoir et nettoie les chambres.

Il y a dans ce film quelque chose de Sailor et Lula, le talent et l’inventivité en moins, avec une ambiance érotique, les différents protagonistes s’adonnant avec plaisir au sexe. Il faudrait d’ailleurs être bien bête de ne pas tenter sa chance avec cet éphèbe bodybuildé sans qu’il n’ait besoin d’ailleurs de pratiquer le moindre sport ou régime et cette charmante patronne, mariée à un épouvantable bonhomme. Le réalisateur entoure ses personnages d’une coloration dans les rouges vifs, histoire d’en rajouter sur le désir qui flotte dans l’air.

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Comment peut-on passer du superbe des films maîtrisés que nous avons cités à ce produit sans saveur, à peine plus intéressant qu’un téléfilm érotique de fin de semaine ? Tout sonne faux, à commencer cette sensation flottante d’une nuit propice à tous les imaginaires sexuels et la succession de personnages dans le motel ressemblant moins à des êtres humains qu’à des animaux venus s’accoupler à la chaîne. La relation qui se noue entre Heraldo et Dayana n’est pas plus vraisemblable, avec ce mari acariâtre et jaloux qui traîne en permanence dans les couloirs comme une bête de somme. Très vite, on prend la mesure d’un monde simpliste, où le mal s’oppose sans nuance au bien, avec d’un côté ce tenancier de mauvaise humeur et violent, et de l’autre ce couple adultérin à la recherche de sensations et vibrations nouvelles.

On s’ennuie ferme face à ce scénario qui enferme les personnages dans une série de clichés, au service de cette coloration rouge de l’écran et des décors, manifestement propices à l’expression de tous les fantasmes. Il ne manque plus que des travestis pour boucler la boucle. L’hétérosexualité, l’homosexualité, l’amour à plusieurs règnent en maître dans ce motel poisseux et sans intérêt. On s’attendrait, quand un lieu donne le titre au film, à un étayage plus remarquable de l’espace, et une narration plus élaborée autour de l’hôtel. Rien de cela à part constater que les rapports sexuels nombreux créent beaucoup de salissures et que le fonctionnement pour s’assurer que les clients payent est tout à fait questionnant.

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Motel Destino concourt à la Palme d’or en 2024. C’est un vrai mystère que ce long-métrage soit parvenu à charmer les sélectionneurs et Thierry Frémaux. Le mauvais goût dans la mise en scène prend le dessus sur une œuvre qui aurait gagné à plus de nuances et moins de circonvolutions sexuelles. En réalité, l’érotisme n’apporte rien à la fiction qui elle-même s’épuise dans une histoire assez rudimentaire. Même les comédiens ne semblent pas croire à cette histoire. Ils apprécient d’exposer manifestement les formes généreuses de leur corps, ainsi que leur nudité complète, mais n’investissent pas vraiment la personnalité des êtres qu’ils incarnent.

Ce n’est hélas pas avec des films de cette teneur que le cinéma va attirer des spectateurs, dans un contexte où les plateformes prennent le pas peu à peu sur la créativité cinématographique. Force est de constater que Karim Aïnouz s’est embarqué dans un projet mal fichu dont on peine à percevoir les intentions idéologiques et artistiques. Si l’enjeu est de dénoncer les violences faites aux femmes, le cinéma regorge de longs-métrages qui portent une vraie parole politique sur le sujet. On craint même une certaine démagogie dans ce film qui génère l’effet contraire de celui espéré par le réalisateur.