Le 12 avril 2025
Un récit qui bouscule les cadres familiaux et offre au spectateur une tranche de vie aussi sensible que sincère. Assurément un coup de cœur cinématographique.


- Réalisateur : Baya Kasmi
- Acteurs : Ramzy Bedia, Vimala Pons, Félix Moati, Saül Benchetrit, Patience Munchenbach, Louis Obry, Anatole Leclerc
- Genre : Comédie dramatique, Teen movie, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h34mn
- Date de sortie : 9 avril 2025
- Festival : Festival d’Angoulême 2024

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Résumé : Mikado et Laetitia vivent avec leurs enfants sur les routes. Une panne de moteur les amène à s’installer le temps d’un été chez Vincent, un enseignant qui vit seul avec sa fille. C’est le début d’une parenthèse enchantée qui pourrait aussi bouleverser l’équilibre de toute la famille alors que Nuage, leur fille aînée, se prend à rêver d’une vie normale.
Critique : C’est une famille pas vraiment comme les autres. Les parents vivent dans un camion avec leurs deux enfants qu’ils cachent sous les couvertures au moindre contrôle de gendarmerie sur la route. Car ces jeunes ne vont pas à l’école, et la plus grande n’a pas d’existence sociale puisqu’elle n’a pas été déclarée à la naissance. Cette histoire rocambolesque ne pourrait exister dans la vraie vie, et pourtant Baya Kasmi parvient à rendre formidablement vraisemblable cette fiction où, tour à tour, elle traite les questions de protection de l’enfance, de parentalité et d’adolescence.
Mikado porte le surnom du père de famille, qui se trimbale en permanence avec le célèbre jeu dans les mains. Voilà un homme généreux, maladroit, blessé, qui peine à écrire trois lignes sur un cahier, déterminé à éviter de reproduire pour ses enfants son propre passé dans ce qu’il nomme la DDASS. À ses côtés, il y a Laëtitia, une maman d’une belle humanité, qui tente d’accompagner son conjoint et calmer les colères qui l’habitent. Le couple estropié a choisi pour demeure ce camion aménagé qui les amène à faire connaissance avec un professeur et sa grande fille, épris de solitude. Alors s’ouvre une sorte de parenthèse enchantée où finalement chacun va prendre goût au confort de la baignoire, de l’eau courante et des livres qui colorent l’immense bibliothèque.
- Copyright Marine Danaux
Mikado, c’est avant tout des gueules d’acteurs qui font la démonstration de leur immense talent. Le couple est interprété par Félix Moati et Vimala Pons, désopilants de grâce et de sensibilité. Ils composent avec tendresse une parentalité baroque qui joue avec les normes et l’interdit. Le film révèle à l’écran la jeune comédienne Patience Munchenbach, croisée dans quelques films, qui fait penser à bien des égards à la toute jeune Charlotte Gainsbourg dans L’Effrontée, avec ce grain de voix si particulier et son intégrité touchante. Tous les quatre forment une famille atypique, maladroite, où l’amour ne manque pas. En même temps, la réalisatrice dresse le témoignage de parcours complexes dans les dispositifs de protection de l’enfance, à juste titre dénoncés par la presse et les rapports officiels de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales). À bas bruit, elle montre à quel point ce système défaillant peut broyer les histoires de vie, dans le mépris des organisations publiques qui font la règle.
Une comédie dramatique qui dénonce les tourments de la protection de l’enfance n’est jamais de trop. Certes, le pas de côté du scénario évite le mélodrame larmoyant ; pour autant, la critique est cinglante contre un système qui abîme les enfants et reproduit à l’infini des dysfonctionnements familiaux. Ce qui est rassurant demeure la capacité d’amour des trois parents, le couple hors norme, et ce père esseulé, professeur de lettres, qui tue l’ennui dans une jolie résidence de campagne, peuplée de romans et de poussière. Du coup, malgré le drame qui finit par survenir, la réalisatrice offre un film bourré d’optimisme, où les possibles s’ouvrent dans un langage joyeux à travers des personnages atypiques et merveilleux.
- Copyright KareProductions - FilmsGrandHuit
Le long-métrage fait la démonstration de l’importance de l’étalonnage dans une œuvre de cinéma. Les couleurs en effet sont très vives, renforçant l’impression d’un roman champêtre dans la campagne vive de la Provence. Le montage, la manière de filmer sont très dépouillés, comme si la cinéaste avait choisi de valoriser avant tout le bonheur qui se dégage des comédiens dans cet écrin de verdure et de lumière. Les rivières se transforment en des lacs étincelants, et les plantes égayent inlassablement les visages des protagonistes, marqués par un passé amer.
Mikado est une très agréable surprise sur les écrans de cinéma. Dommage que le festival du film francophone d’Angoulême ne l’ait pas récompensé à sa juste mesure.