Le 14 janvier 2023
- Réalisateur : Baya Kasmi
- Acteur : Abbes Zahmani
- Distributeur : Tandem
À l’occasion de l’avant-première de Youssef Salem a du succès au cinéma Darcy de Dijon, le lundi 9 janvier 2022, nous avons pu rencontrer la réalisatrice Baya Kasmi et Abbes Zahmani, qui joue le patriarche de la famille Salem.
Youssef Salem a du succès est une comédie qui sort en salles le mercredi 18 janvier 2023. Elle nous raconte, avec un tempo efficace et une juste mesure, l’obtention du Goncourt par un écrivain raté (campé par le formidable Ramzy Bedia). Ce dernier va rencontrer beaucoup de difficultés pour dissimuler à sa famille que son ouvrage consacré n’est pas une autobiographie. Jusqu’où ira-t-il pour finalement protéger ses proches ?
- Baya Kasmi © Tous droits réservés.
AVoir-ALire : Baya Kasmi, tout comme pour Le Nom des gens (César du meilleur scénario en 2011), vous avez coécrit le scénario de Youssef Salem a du succès avec votre compagnon Michel Leclerc. La complicité et la complémentarité vous animent ?
Baya Kasmi : Ah oui, carrément. On fait attention de ne pas avoir trop d’automatismes justement pour pas faire des recettes mais on a tellement l’habitude de travailler ensemble que c’est de plus en plus agréable. Il y a une forme d’aisance. Sur ce sujet, on a pris du plaisir à écrire. Vraiment.
AVoir-ALire : Vous signez ici votre second film après Je suis à vous tout de suite en 2015. La réalisation vous a-t-elle toujours attirée ? Souhaitez-vous continuer à nous surprendre agréablement ?
Baya Kasmi : Alors, je l’espère vraiment. Je le souhaite de tout mon cœur. Chaque film est un nouveau combat. Je vais en faire un cet été. Mais oui, j’ai commencé à écrire, j’ai été souvent scénariste avant de réaliser, mais j’ai toujours eu envie de réaliser. Après, ça prend beaucoup de temps à chaque fois mais j’en suis très heureuse.
AVoir-ALire : J’ai une question maintenant pour Abess. Abess Zahmani, pouvez-vous nous dire comment Baya Kasmi dirige ses acteurs ? Son scénario était-il plus ou moins malléable ?
Abbes Zahmani : Vous pouvez reprendre juste la dernière phrase ?
AVoir-ALire : Le scénario vous laissait quelle liberté, quelle marge de manœuvre, à vous, en tant qu’acteur ?
Abbes Zahmani : C’est intéressant. La direction est toujours en général très facile et très simple. Quand une réalisatrice ou un réalisateur, en général, sait ce qu’il veut, où il veut aller, et comment, et surtout aime ses acteurs et actrices, alors tout fonctionne. Baya les aime tous : même celui qui fait une journée de tournage, elle le considère comme le personnage principal. C’est très rare dans notre métier et c’est ce qui donne l’envie à l’acteur de donner tout ce qu’il a, de puiser au plus profond de lui-même.
AVoir-ALire : Seconde question pour vous Abbes Zahmani. Comment définiriez-vous votre personnage de patriarche de la famille Salem, en quelques mots, adjectifs divers, très rapidement ?
Abbes Zahmani : Vivant. Aimant la langue. C’est comme s’il aurait aimé être un grand linguiste.
AVoir-ALire : En fait, c’est peut-être Youssef qui réalise son rêve.
Abbes Zahmani : Il y a une sorte de projection sur Youssef. Il aurait eu envie d’écrire sur les héros historiques. Voilà (rire), il fait confiance à Youssef.
AVoir-ALire : J’ai une question plus générale. Je m’adresse plus particulièrement à vous, Baya. Est-ce que la famille et ses secrets les plus intimes méritent, à vos yeux, d’être sacralisés ?
Baya Kasmi : Non pour moi, une famille, ça évolue tellement dans le temps qu’on ne sait jamais ce qui va pouvoir se dire ou ne pas se dire. Il y a des secrets qui le restent pour toujours et d’autres qui sont révélés. En tout cas, moi dans le film, je ne voulais pas prendre position. Parfois les choses doivent être dites, parfois non. En tout cas, il ne faut pas que cela soit destructeur.
AVoir-ALire : L’obtention du prix Goncourt par Youssef Salem le place d’emblée dans un état de grâce inconfortable ?
Baya Kasmi : Oui, je pense qu’il y a les deux. Je suis complètement d’accord avec ce que vous dites. À la fois, il obtient exactement ce qu’il veut ; à la fois, il pressent que ça va être très compliqué à gérer.
AVoir-ALire : Pourquoi avoir choisi Marseille et Paris comme points d’ancrage de Youssef Salem a du succès ?
Baya Kasmi : : Au début, je voulais tourner en région toulousaine la partie marseillaise parce que je suis originaire de Toulouse. Mais je voulais, dès le départ, faire un aller-retour entre une ville française, plus petite, une cité, et Paris où il a sa vie. Je voulais raconter l’histoire de quelqu’un qui change de vie, qui change de milieu, qui est donc entre les deux. Ainsi, il peut se permettre de mentir parce qu’il est loin mais dans son livre, tout est exposé.
AVoir-ALire : La caricature de la télévision (perceptible à travers deux émissions littéraires et Koh Lanta revisité par vos soins) parcourt votre comédie. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Baya Kasmi : : C’est l’endroit du spectacle. C’est comme si on était dans les jeux de Rome. Il faut toujours qu’il se passe quelque chose. On sent bien qu’à la télé, les présentateurs veulent créer du buzz. Je trouvais que c’était intéressant de mettre le personnage là-dedans et de voir comment il est dépossédé complètement de ce qu’il dit. Tout ce qu’il dit dans une émission peut rejaillir sur sa famille et en même temps, ça influence la vision des gens.
AVoir-ALire : D’où vous est venue l’idée du choc toxique relatée sous forme de fable au début de Youssef Salem a du succès ?
Baya Kasmi : C’est une histoire vraie qu’on m’a racontée. Enfin, c’est une légende urbaine qu’on racontait en Algérie dans les années 90. Si elle est banale, elle est cependant racontée pour faire peur. Je l’ai trouvée tellement géniale que je l’ai un peu transformée avec l’idée ancrée dans ma tête que cela devienne un mythe.
AVoir-ALire : Les personnages secondaires dans votre film ne le sont pas tant que ça. C’était une de vos intentions de mettre en lumière une famille arabe dans son ensemble ?
Baya Kasmi : Oui, et dans sa diversité. J’aime les seconds rôles. Le personnage se définit aussi par sa famille. Les scènes de groupe, je trouve ça génial. J’adore.
AVoir-ALire : Pourquoi le choix de Ramzy Bedia pour incarner le personnage de Youssef Salem ? Était-ce une évidence ?
Baya Kasmi : Oui. J’ai pensé à lui en amont. Je l’ai rencontré il y a longtemps puisque dans mon premier film, il joue le rôle du père. J’ai tout de suite su que je voulais retravailler avec lui. Il m’a même dit oui avant que j’écrive le scénario.
AVoir-ALire : Ah oui ?
Baya Kasmi : C’était très motivant pour moi.
AVoir-ALire : Dans le film, on se demande qui prend le plus soin de l’autre entre l’auteur Youssef et son éditrice (formidable Noémie Lvovsky) ?
Baya Kasmi : C’est vraiment un personnage qui défend son auteur, qui lui est dévoué. C’est celle à qui on peut tout dire et qui fait tout pour son auteur. Quand il a son prix, c’est elle qui devient le personnage principal. Elle profite du succès.
AVoir-ALire : Je crois qu’une fois, elle désire coucher avec lui ?
Baya Kasmi : Tout à fait. C’est vrai qu’il n’y a pas de raison de ne pas vouloir coucher avec son Goncourt (rire général). J’en aurais fait de même (rire général).
AVoir-ALire : On retient des phrases très fortes dans le film. "On élimine un Arabe s’il est trop fort", ça c’est dit par Rachid. "Le curseur de l’arabité", ça c’est dit par Youssef.
Baya Kasmi : "Le thermomètre de l’arabité", oui.
AVoir-ALire : Est-ce que ces phrases sont révélatrices de réelles crispations identitaires en France ?
Baya Kasmi : Oui, je le pense vraiment. Je trouve que cela est obsessionnel. Il n’y a pas que l’origine dans l’identité de quelqu’un. Une identité, c’est multiple, c’est profond. Dans les projos, on fait des rencontres. Il y avait un mec, l’autre jour, qui disait qu’il était catho, homo, et né en Algérie. Chacun a son histoire. Les gens se définissent trop par leur identité. En même temps, on les définit en permanence par leur identité. De plus, il y a une identité fantasmée qui s’impose.
Abbes Zahmani : Un Arabe est forcément musulman mais ce n’est pas toujours le cas.
AVoir-ALire : Abbes Zahmani, j’ai une question pour vous. Vous avez une carrière assez longue. 31 ans de carrière, si je ne me trompe pas ?
Abbes Zahmani : Ouais, pas mal (rire).
AVoir-ALire : pas mal (rire). Vous avez tourné dans 26 films ou séries. Il y a des films qui sont plus traceurs, plus marqueurs, qui sont comme des balises dans une carrière. Est-ce que celui tourné avec Baya en fait partie ?
Abbes Zahmani : Il en fait partie.
Baya Kasmi : Merci Abbes.
Abbes Zahmani : : Je lis le scénario, j’adore. Lors de la première projection à Valenciennes, quand je vois le film, je suis carrément par terre. Je ne me vois pas en tant qu’acteur. J’ai vraiment adoré le film en tant que spectateur et c’était la première fois que cela m’arrivait. J’ai pleuré, j’ai ri. Pourtant dans les films, je sais que la première projection est nullissime. Pour vous dire, la première fois que j’ai vu La vie est un long fleuve tranquille, je n’ai pas aimé le film. J’étais très crispé, tendu. Mais là, j’ai aimé immédiatement. Quand le personnage que l’on a joué devient un personnage, c’est vraiment pas mal. Voilà la réponse que je peux donner. C’est un film qui va compter beaucoup dans ma carrière. Vraiment.
AVoir-ALire : J’avais treize questions, je crois que j’ai réussi à les poser.
Baya Kasmi et Abbes Zahmani : Bravo (applaudissements) !
AVoir-ALire : C’est moi qui vous applaudis. Merci beaucoup pour avoir-alire.com.
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