Le 22 juin 2022
À cheval entre le fantastique et l’anthropologie, Midsommar décrit avec brio la mécanique monstrueuse de l’embrigadement sectaire. Fort et anxiogène.
- Réalisateur : Ari Aster
- Acteurs : Will Poulter, Jack Reynor, Gunnel Fred, Florence Pugh, William Jackson Harper, Vilhelm Blomgren, Ellora Torchia, Archie Madekwe
- Genre : Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h27mn
- Date télé : 28 août 2021 22:51
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 31 juillet 2019
Résumé : Dani et Christian sont sur le point de se séparer quand la famille de Dani est touchée par une tragédie. Attristé par le deuil de la jeune femme, Christian ne peut se résoudre à la laisser seule et l’emmène avec lui et ses amis à un festival estival qui n’a lieu qu’une fois tous les 90 ans et se déroule dans un village suédois isolé. Mais ce qui commence comme des vacances insouciantes dans un pays où le soleil ne se couche pas va vite prendre une tournure beaucoup plus sinistre et inquiétante.
Critique : Ils sont jeunes. Ils ont envie de visiter l’Europe. Et contre toute attente, ils choisissent de poser leurs bagages en Suède, au milieu de la forêt, dans une sorte de village enchanteur où la drogue s’échange à l’infini, où les familles s’habillent de vêtements immaculés et fleuris, tout en s’adonnant à des rituels spirituels, plus que particuliers. Il ne faut pas avoir fait Saint-Cyr pour voir qu’il y a un loup. Et quel loup ? Derrière cette communauté joyeuse et a priori bienveillante, se cache une secte redoutable, aux pratiques philosophiques et spirituelles, plus que dangereuses. Naturellement, on se souvient de tous ces mouvements sectaires dont la presse nous abreuve régulièrement. Et pourtant, force est de constater que l’emprise de ces gens, malgré l’illégalité officielle de telles pratiques, est puissante, particulièrement quand on vient de perdre sa famille d’une façon dramatique. C’est le cas de la jeune Dani (interprétée par une Florence Pugh incroyable) : elle vient de perdre ses parents qui ont été tués par sa sœur bipolaire, son couple bat de l’aile. Bref, elle incarne la victime favorite d’une manipulation sectaire, là où ses amis semblent plus solides.
- Copyright Gabor Kotschy, Courtesy of A24
Midsommar est un film inclassable. C’est à la fois une expérience anthropologique d’un groupe sectaire au fin fond de la Suède. C’est aussi un récit policier où l’on avance pas à pas dans la complexité psychologique et sociologique de ce groupe de gens. C’est surtout un film d’épouvante qui enfonce à pas feutrés le spectateur dans un climat anxiogène. Difficile de ne pas raconter cette fin terrible, qui confirme la force implacable de la manipulation sectaire. La qualité principale du film demeure la précaution avec laquelle le réalisateur entraîne ses personnages dans ce ballet terrifiant. Ari Aster dont on connaît l’effrayant Hérédité n’abuse d’aucuns effets spéciaux. Quelques visages déformés, quelques corps estropiés traversent son histoire. L’horreur est souterraine, elle refuse la démonstration, elle se construit dans le temps narratif, très dense, par couches successives qui amènent, au fil des séquences, à toujours plus de violences.
- Copyright Gabor Kotschy, Courtesy of A24
Le reproche le plus sensible du film serait sa longueur. Pour autant, on comprend très bien la nécessité pour le réalisateur de dérouler son histoire sur une durée importante. La temporalité démontre la force avec laquelle les sectes manipulent les esprits. On pourrait aussi reprocher à la mise en scène d’en faire trop parfois avec ces rituels étranges. Et pourtant, à l’issue du film, le scénario apparaît d’autant plus nécessaire pour mieux appréhender l’épouvante de l’embrigadement sectaire. Le spectateur ressort de ces 2 heures 20 dans un véritable état d’effroi. La vraisemblance des faits n’est pas à démontrer. Plus qu’une histoire d’horreur, Midsommar décrit avec minutie le processus de manipulation psychique. Il n’est pas question de fantômes, d’esprits, mais simplement d’hommes et de femmes, dans ce que l’humanité peut révéler de pire. Le trouble du spectateur émerge du fait que lui-même ou l’un de ses proches pourraient se faire happer par un mouvement extrémiste ou sectaire, sans possibilité de s’en extraire.
- Copyright Gabor Kotschy, Courtesy of A24
En tout cas, saluons une mise en scène brillante. On pardonnera les quelques exagérations du scénario. Mais il serait totalement malhonnête de nier le talent du réalisateur et des comédiens dans ce récit terrifiant.
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Julia Tequi 29 août 2019
Midsommar - la critique du film
Un film d’horreur expérimental à vivre !
En grande fan du cinéma d’horreur, je sais que c’est un genre ultra codifié, peu sortent vraiment du lot, ou sont originaux et on peut dire que celui-là en fait clairement partie, peut-être un peu trop pour certain. Lorsque l’on va entamer notre plongée, nous serons dans un premier temps, assez déstabilisés, rien ne correspond à ce que l’on connaît, mais très vite, on apprécie cet aspect, c’est un changement radical, mais important. Alors qu’en règle générale, l’atmosphère est très sombre, ici, c’est tout l’inverse, c’est même joliment bucolique, chose assez impensable et pourtant, ça fonctionne. Les champs, les fleurs, le soleil, un côté hippie non négligeable, plutôt le cadre d’une romance à la rigueur, mais c’est un contraste saisissant, qui augmente d’autant plus l’horreur de la situation. Cependant, le bonheur ne sera pas dans le pré, ce sera même le cauchemar, le paradoxe entre l’environnement et ce qui s’y passe est encore plus impactant et les frissons dans le dos s’en trouveront amplifiés. Préparez-vous à entrer dans univers totalement fou, j’aimerais dire parallèle, mais j’ai bien trop peur que ça puisse exister quelque part, ce genre de secte ou de communauté aux traditions plus que douteuses. J’ai tout particulièrement aimé la réalisation d’Ari Aster, j’avais déjà adoré son film précédent, celui-ci, bien que très différent, est tout aussi réussi à mes yeux. Son parti pris est parfaitement abouti, il va au bout de ses idées, il a su aller au fond des choses, rien n’est survolé, c’est intelligent et oui, ça fait aussi du bien de voir de la qualité dans ce genre. Bien sûr, âme sensible s’abstenir, je ne vous cache pas que certaines scènes peuvent être choquantes, les détails les plus sanglants ne nous seront pas épargnés, alors oui, ce sera parfois insupportable. Néanmoins, là aussi, tout est logiquement pensé, rien n’est en trop, il n’y a pas d’effusions inutiles, les quelques scènes les plus gores sont là pour servir l’histoire, pour lui apporter des éléments importants à la compréhension. Effectivement, tout a un sens, même s’il peut être discutable, le mode de vie qui y est exposé peut se comprendre dans la limite du raisonnable, certains points ne sont pas si fous, même si évidemment très extrêmes. En ce qui concerne le scénario, n’essayez pas de savoir ce qu’il va se passer, de deviner où tout cela va vous mener, l’important ici est de se laisser porter et d’entrer dans la danse. Là encore, l’intrigue n’a rien de classique, elle pourra même vous sembler lente, mais c’est un rythme qui correspond entièrement à l’univers, qui participe à installer l’étrangeté de cette ambiance. En soi, ce n’est pas effrayant, c’est une peur différente de ce que l’on connaît habituellement, plus un malaise omniprésent, qui peut être désagréable, mais qui est aussi fascinant à la fois. Quant au casting, il est excellent, Florence Pugh est une vraie révélation pour moi et j’ai beaucoup aimé le rôle de Jack Reynor.
En bref : Un film d’horreur totalement inclassable, qui doit se vivre pour le comprendre, une expérience à part entière, totalement unique, qui nous fera vivre une histoire parfois hystérique, mais toujours passionnante !