Eighties Graffiti
Le 7 janvier 2014
Jeff Lieberman, fleuron de la série B des années 70 et 80, trouve son inspiration dans Halloween 3, en réfléchissant sur le pouvoir des images...
- Réalisateur : Jeff Lieberman
- Acteurs : Kevin Dillon, Deborah Goodrich, Frank Beddor, Christopher Wynne
- Genre : Science-fiction, Thriller
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h28mn
- Titre original : Remote Control
- Plus d'informations : Le site officiel du film
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Jeff Lieberman, fleuron de la série B des années 70 et 80, trouve son inspiration dans Halloween 3, en réfléchissant sur le pouvoir des images...
L’argument : Des vidéocassettes d’un film nommé Remote Control sont envoyées dans un vidéoclub. Les personnes qui louent et visionnent la VHS meurent les unes après les autres. Les deux employés de Village Video, Cosmo et Georgie, se rendent alors compte du caractère maléfique de ces cassettes qui prennent le contrôle de ceux qui les regardent en les transformant en tueurs. Impliqués malgré eux dans les assassinats, les deux hommes se lancent dans une course contre la montre pour mettre la main sur tous les exemplaires de la VHS afin d’arrêter la folie meurtrière qui gagne toute la ville.
Notre avis : Meurtres en VHS fait partie des titres un peu oubliés de la filmographie de Jeff Lieberman. On aura surtout retenu de lui des films aussi cultes que La nuit des vers géants (1976), Le rayon bleu (1978) ou encore Survivance (1981). Le caractère déjanté de ces longs métrages s’est imposé comme une marque de fabrique du style du cinéaste. Et ce Meurtres en VHS n’échappe pas à la règle, bien que le réalisateur ait un peu rejeté ce film pendant plusieurs années, en en parlant comme d’un véritable calvaire et comme d’une lutte constante avec les producteurs. En effet, Meurtres en VHS aurait mérité un budget doublement supérieur pour pouvoir développer au mieux un scénario fort intéressant.
D’emblée, Lieberman emprunte le vocabulaire du cinéma d’anticipation en débutant par le carton "Terre, 1987". Le film reprend l’idée de l’invasion extraterrestre si chère au cinéma de science-fiction des années 50, qui a profondément influencé le metteur en scène, mais il est également très marqué par son époque. Qui d’ailleurs aurait cru que ces vidéoclubs auraient eu une durée de vie si limitée ? L’idée du film tueur est ici traitée d’une manière fort singulière, avec des mises en abîme incessantes. En effet, les personnages du film de Lieberman regardent eux mêmes un film nommé Remote Control datant des années 50, dans lequel on trouve une version rudimentaire et rétro-futuriste du magnétoscope. Le motif du miroir dans le vidéoclub n’est donc pas anodin : ce film se veut être un reflet et une réflexion quant au rapport de l’homme au pouvoir de l’image à une époque où la VHS faisait irruption dans le quotidien de tous les foyers. Du coup, regarder le film sur un format DVD, tel que la très belle édition sortie par Lieberman lui même célébrant les 25 ans du film, en ampute toute une dimension métatextuelle : Comme les personnages à l’écran, nous regardons une œuvre qui porte le même nom et nous la glissons dans notre lecteur.
Même si l’idée de propagande extraterrestre est complètement tirée par les cheveux, cette idée de l’invasion est à prendre au sens métaphorique : A cette époque, tous les foyers sont envahis par cette nouvelle technologie que représente la vidéocassette. C’est le culte de l’image et de l’apparence. Tel un satiriste, Lieberman exagère les looks jusqu’au kitsch. La bombe de laque était en ces années-là le meilleur moyen d’exprimer son moi intérieur, et la coiffure de Deborah Goodrich vaut à elle seule le détour. Les vêtements sont flashy, empruntant à un constructivisme new wave. La scène dans la boîte de nuit revisite celle du Rayon bleu. La disco laisse place à des mouvements géométriques et absurdes, renvoyant autant au Dr Caligari (1989) de Stephen Sayadian qu’aux délires vestimentaires et chorégraphiques de Liquid Sky (1982) de Slava Tsukerman. En 1987, Lieberman voyait déjà les années 80 comme un film rétro, avec ses couleurs de bonbons smarties et ses affiches de Jane Fonda, la reine du fitness. En fin observateur des maux de notre société, son cinéma ne s’est d’ailleurs jamais cantonné à n’être que du divertissement ou de l’exploitation. Il s’en dégage souvent des réflexions stimulantes. Par exemple, La nuit des vers géants ne parlait pas tant de morsures d’asticots que d’une société sudiste rongée de l’intérieur et incapable de s’ouvrir au monde. De la même manière, Le rayon bleu s’attardait autant sur la manipulation politique que sur l’idée de psychopathes chauves qui avaient pris trop de drogues à la faculté.
Les deux films Remote Control mettent incessamment en parallèle ces deux époques charnières qu’ont été les années 50 et 80. Le noir et blanc s’y oppose aux couleurs criardes. D’une façon étonnante, Lieberman parlait de son enfance dans les fifties à travers ce film et au final, Remote Control renvoie aussi aux années de jeunesse d’une génération comme la mienne, ayant grandi dans les années 80. Le grain VHS possède pour nous la même valeur nostalgique que celle avec laquelle Lieberman regardait des longs métrages comme Des monstres attaquent la ville (1954), L’homme qui rétrécit (1957) ou encore Le fantastique homme colosse (1957). Les vieux sons électroniques analogiques de la bande originale de Peter Bernstein renvoient aussi à ces bons vieux films de science-fiction. L’esprit paranoïaque est bien rendu et la dimension nostalgique est clairement assumée : la boîte de nuit se nomme le Retro Club. Les extraterrestres prennent eux mêmes les traits d’asiatiques comme à l’époque de la grande peur communiste.
Niveau casting, les acteurs ont été embauchés parce qu’ils avaient des noms : Jennifer Tilly en tant que sœur de Meg et Kevin Dillon en tant que frère de Matt. Son rôle est ici à mettre en parallèle avec un autre film purement années 80 qui est le remake du Blob de 1988. Ils offrent tous des performances honnêtes pour ce genre de petites productions. On notera aussi la présence de Frank Beddor dans le rôle de Victor, dont on n’arrive pas à savoir s’il est contrôlé par la vidéo ou s’il est naturellement psychotique. Il paraîtrait également que Johnny Depp ait passé une audition pour obtenir le rôle de Georgie.
Au final, Remote Control souffre d’un budget trop maigre quant à ses ambitions et d’un rythme parfois lent. Cela dit, on retrouve ici la folie stylistique et l’intelligence artistique de Jeff Lieberman autour d’idées fortes. Ces gens qui passent leur temps devant le miroir entreposé dans le vidéoclub n’anticipaient-ils pas les dérives narcissiques de Facebook et de la télé réalité qui semble ne plus vouloir quitter nos écrans ? Si, en revanche, vous êtes allergiques à l’esthétique des années 80, le film vous hérissera le poil. Pour les autres, il vous rappellera le temps où vous chérissiez les VHS comme autant de trésors que vous regardiez avec le volume maximal sur votre vieux poste de télévision quitte à sérieusement énerver vos voisins. Une œuvre nostalgique qui se bonifie avec le temps.
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