Critique  : En commençant ce roman, cet hommage, le lecteur ne doute pas un seul instant de la véracité des faits qui y sont relatés. Et pourtant…
Gene Neveva, Violaine, la narratrice, toutes sont fausses, n’ont jamais existé. Alors elles sont vraies à leur manière, elles incarnent un symbole, celui de femmes fortes ou fébriles, femmes à l’identité marquée ou encore incertaine, femmes qui s’affirment. Toutes gravitent autour du fantôme de Patricia Hearst, jeune femme qui bouleversa l’Amérique dans les années 1970. Riche héritière californienne, elle est kidnappée par le SLA (Armée de Libération Symbionaise en français) en 1975, avant de finalement se rebaptiser Tania et d’adhérer à leur cause marxiste. Gene Neveva, sociologue fictive, doit rédiger un rapport pour innocenter Patty, la rendre victime de ses agresseurs devenus son peuple. Habituellement, cette professeure travaille sur les récits de captivité, sur ces femmes enlevées par les Amérindiens au XVIIème siècle qui, elles aussi (pour certaines en tout cas), en viennent à considérer leurs ravisseurs comme les leurs. Pour son rapport, elle est assistée par Violaine, jeune adulte encore enfant, timide et admirative de cette femme forte et sûre d’elle, de cette Américaine sans vergogne venue en France pour une année, les bras chargés de journaux américains et de bandes comportant les enregistrements envoyés par Patricia à ses proches.
Ce roman, c’est donc avant tout l’histoire d’une rencontre, l’histoire d’une relation de maître à élève, d’idole à pupille. C’est aussi l’histoire de femmes qui basculent, qui se défont du carcan imposé par la société, par leur époque, pour devenir elles-mêmes, pour s’épanouir dans le milieu qu’elles ont élu. Le féminisme, c’est aussi défendre toutes les femmes, tous les choix, toutes les aspirations. C’est ce à quoi s’attelle Lola Lafon dans ce roman étrange, dans ce tourbillon de faits réels et fictifs, de dates, d’analyse, tourbillon écrit à la première personne qui s’adresse à un « vous » admiré, respecté, ce « vous » qui n’est autre que Gene Neveva. Le lecteur se perd à plusieurs reprises dans ces pages, s’égare à mi-chemin entre fiction et réalité, reste parfois perplexe face à une phrase. Si ce livre laissera sans aucun doute un souvenir vif dans notre esprit, sa confusion dessert malgré tout l’œuvre en son entier.