Le 17 décembre 2003
Les rouages d’une relation où le désir permet d’entrevoir par instants une autre face de l’autre et surtout de soi-même.
Murakami revient une fois de plus sur ses thèmes de prédilection : les fantasmes, les limites, les relations de pouvoir et le vacillement des certitudes. Ici, il explore les rouages d’une relation où le désir permet d’entrevoir par instants une autre face de l’autre et surtout de soi-même.
Melancolia est le second volet d’une trilogie regroupant Ecstasy (paru en mars 2003) et Thanatos, à paraître en 2004, sous le titre "Monologues sur le plaisir, la lassitude et la mort".
Il s’agit bien d’un monologue, celui de Yazaki, ancien producteur ayant mystérieusement choisi de devenir SDF, et devenu une légende pour l’ensemble des médias japonais. Interviewé par Michiko, une jeune journaliste installée à New York, il lui livre peu à peu sa vie, ses fantasmes, ses réflexions.
Monologue et relation à deux, mais à une femme qui perd peu à peu le contrôle et se laisse fasciner par son interlocuteur jusqu’à se perdre dans ses propos, dans l’image qu’elle croit devoir donner d’elle, créant une confusion qui se ressent aussi dans la forme du récit. Ecrit à deux voix qui se fondent peu à peu en une seule, le dialogue redevient monologue.
Melancholia, c’est l’histoire d’un désir qui ronge, jusqu’à la négation de soi, qui fait peu à peu vaciller les fondements d’une vie.
Michiko est jeune, branchée et New Yorkaise. Ses amis sont stylistes, designers, rédacteurs en chef de revues à la mode. Ce qui la fascine chez Yazaki, c’est peut-être justement la remise en question des règles de son univers, le vacillement soudain de ses certitudes.
Un trouble qui passe par le corps, l’attirance physique, qui ne lui permet plus de réfléchir qu’à travers la parole de l’autre. Elle est petit à petit vidée de ce qu’elle croyait être sa personnalité, pour être emplie à nouveau, prête à suivre Yazaki jusque dans un voyage à l’issue incertaine.
A travers le discours de Yazaki, l’auteur livre ses réflexions sur les rapports sado-masochistes qui semblent sous-tendre toute relation humaine.
Il garde toujours dans sa narration une distance qui, paradoxalement, accentue le trouble. L’impression naît d’assister à un étrange ballet, Murakami fait du lecteur un voyeur qui se coule peu à peu dans ces confessions intimes et malsaines, tout en gardant un regard extérieur.
Et on devient peu à peu la troisième victime de cette relation à deux, à trois, puis finalement à soi-même, dans laquelle l’auteur nous entraîne tout en nous laissant seuls juges de l’effet que produira sur nous ses propres perversions.
Ryû Murakami, Melancholia (traduit du japonais par Sylvain Cardonnel), Ed. Philippe Picquier, 2003, 304 pages, 18,50 €
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