Le 22 novembre 2022
Sans parti pris mais avec détermination, Émérance Dubas recueille le témoignage de celles qui, durant plusieurs décennies, ont subi en silence une violence étatisée.
- Réalisateur : Émérance Dubas
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h11mn
- Date de sortie : 23 novembre 2022
- Festival : Champs Elysées Film Festival 2022
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Résumé : Insoumises, rebelles, incomprises ou simplement mal-aimées. Comme tant d’autres femmes, Édith, Michèle, Éveline et Fabienne ont été placées en maison de correction l’adolescence. Aujourd’hui, portée par une incroyable force de vie, chacune raconte son histoire et révèle le sort bouleversant réservé à ces « mauvaises filles » jusqu’à la fin des années 1970 en France.
Critique : La congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur est fondée à Angers en 1829 et agréée en 1835 par le pape Grégoire XVI. Une centaine d’années plus tard, près de trois cent cinquante maisons issues de cette institution religieuse dont le rôle est d’accueillir toutes celles que l’on qualifie de filles perdues, seront recensées à travers le monde. En France, l’ordonnance du 2 février 1945 fait la distinction entre éducation surveillée et administration pénitentiaire. Ce qui ressemble à une avancée marque, en vérité, la ségrégation entre les garçons qui sont envoyés dans des internats publics et les filles placées en priorité dans des établissements religieux afin de s’assurer de leur bonne conduite. Entre la fin de la Seconde Guerre et le début des années 70, bon nombre de celles qui refusaient de rentrer dans le rang ont été enfermées par un juge d’instruction ou par leur famille au Bon Pasteur ou dans toute autre congrégation religieuse du même genre.
En 2002, Peter Mullan avec The Magdalene Sisters dénonçait les mauvais traitements infligés aux femmes jugées impures dans l’Irlande catholique des années 60. Mais bien peu avaient imaginé que le pays des droits de l’homme s’était lui aussi, de manière totalement assumée, livré à de tels actes de maltraitance et d’humiliation, d’autant que les victimes, étouffées par la honte, gardent depuis toujours le secret de cette histoire collectivement taboue. C’est pourquoi Émérance Dubas, curieuse de l’évolution de la place des femmes dans la société, donne la parole à quatre d’entre elles, tout en mettant en avant leur phénoménale force de caractère.
- Copyright les Films de l’Oeil Sauvage
D’Édith, nous n’entendrons que la voix cristalline qui, avec une précision douloureuse, nous guide lors de la visite fantomatique du site du Bon Pasteur de Bourges laissé à l’abandon. Michèle, dont le seul tort a été d’être la fille d’une mère incapable de l’élever, a été condamnée à des années d’isolement et de privation d’amour. Elle revient sur les lieux avec ses petites-filles sidérées de découvrir un passé dont elle ne soupçonnait rien et admiratives de la résilience de leur grand-mère. Si Éveline, placée là à la suite d’un viol subi à l’adolescence, veut chasser les traumatismes du passé, elle peine à refréner son ressentiment quand elle comprend avec quelle cruauté tout a été fait pour la couper de sa famille (lettres interceptées, colis jamais distribués). Quant à Fabienne, si elle fanfaronne affirmant que cette malheureuse expérience lui a forgé le caractère, elle reconnaît que les conséquences de cette vie de misère furent dramatiques et qu’à dix-huit ans, elle n’attendait rien d’autre que la mort.
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Suggérant plutôt que martelant, la réalisatrice installe la pudeur nécessaire pour laisser libre cours aux sentiments. Refusant de se perdre dans une noirceur de mauvais aloi, elle réussit, sur fond musical, à faire du mitard une zone de solidarité, là où les graffitis des unes sont autant de messages d’espoir ou d’amour pour les suivantes, là où les dessins restent le seul moyen de communication possible. Un lien de sororité que les religieuses ont tenté d’empêcher sans y parvenir.
Si ce film constitue un pamphlet politique sévère sur le sort réservé aux femmes jusqu’à la fin des années 70, il évite toute note revancharde, lui préférant celle de l’émotion et l’authenticité.
- © Arizona Distribution
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