Le 2 juillet 2024
Matria, c’est tout simplement le portrait haut en couleur d’une femme extraordinaire qui ne parvient pas à se sortir de la médiocrité de son existence, ou la révélation sur les écrans français d’une grande comédienne : María Vázquez.
- Réalisateur : Álvaro Gago
- Acteurs : María Vázquez , Santi Prego, Soraya Luaces, Tatan
- Genre : Drame, Drame social
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Les Alchimistes
- Durée : 1h39mn
- Date de sortie : 3 juillet 2024
- Festival : Festival de Berlin 2023
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Résumé : Dans un village de pêcheurs galicien, Ramona est ouvrière. Son usine est rachetée et les salaires sont à la baisse. Quand Ramona se rebelle contre cette ultime humiliation, elle est licenciée sur-le-champ. Prête à tout pour garantir l’avenir de sa fille, elle enchaîne alors les petits boulots à un rythme effréné... mais jusqu’à quand ?
Critique : On sait que l’Espagne, avant et après la grande crise de la Covid, a vu une grande partie de son économie faillir, emportant avec elle les classes moyennes et ouvrières dans la difficulté sociale. Ramona fait partie de ces sacrifiés. En plus de son activité d’ouvrière, elle cumule les petits boulots sur des chalutiers de pêche. Un billet est un billet, d’autant qu’elle les entasse dans une boîte sous l’évier de la cuisine, pour permettre à sa fille de reprendre ses études et ne pas céder à la facilité du métier d’hôtesse de bar quand on a vingt ans.
Matria est un grand portrait d’une femme qui n’a pas froid aux yeux, et dont la colère est immense. Elle crie en permanence, comme le symptôme d’une rage sociale et personnelle qui ne s’éteint pas. Car Ramona a mal avec cet homme qui revient presque chaque soir à la maison assommé d’alcool, un boulot où elle se fait largement dominer par des patrons sans scrupule. Elle voit le temps qui passe et qui affecte peu à peu son corps, malgré ses quarante-deux ans, d’autant qu’elle semble très malade des poumons.
- Copyright Les Alchimistes
Et pourtant, Matria n’est surtout pas un film misérabiliste. C’est d’abord le portrait quasi romanesque d’une femme qui s’est oubliée, au bénéfice de sa propre fille, des hommes qui ont jonché sa vie d’épouse et d’amante, et qui, peu à peu, prend conscience qu’il y a encore un chemin à parcourir devant elle. Elle occupe l’écran d’un bout à l’autre du film, avec une énergie qui ne la quitte jamais, jusqu’à ce très beau moment où elle s’assoit sur un banc et qu’enfin, elle prend le temps de regarder le monde défiler devant elle et de penser à elle. Álvaro Gago n’en rajoute pas dans la détresse sociale ou économique. Il s’intéresse d’abord à ce caractère entier, sans jamais s’appesantir sur les problématiques quotidiennes liées à son manque d’argent.
En réalité, l’importance de ce film, acclamé à Berlin, réside dans la manière dont la comédienne, María Vázquez, habite son personnage. L’actrice joue sur toutes les émotions, sans jamais tomber dans la caricature. Derrière son agitation permanente, on perçoit à la fois la grande fragilité de Ramona mais aussi une force insoupçonnée qui lui permettra de changer d’existence.
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Le réalisateur ne signe pas vraiment un long-métrage féministe. Le vœu d’émancipation n’occupe qu’une faible part dans le comportement de l’héroïne. Álvaro Gago regarde la mécanique avec laquelle nombre d’hommes et de femmes chutent dans l’empire de la médiocrité, sans doute faute de courage, mais surtout par résignation et manque de confiance en soi. Matria est donc une fiction à travers laquelle beaucoup d’entre nous se retrouveront, tant le courage d’être soi demeure un des obstacles les plus importants au bonheur.
Matria s’invite sur les écrans français à un moment où l’on a besoin d’espérer et de croire en soi et aux autres. Justement, le personnage iconique de Ramona incarne parfaitement la possibilité qui est donnée à chacun de faire des choix, de se défaire des chaînes qui entravent les destins de chacun. En ce sens, le cinéaste réalise une œuvre sur la liberté, l’auto-détermination et la puissance d’agir. Il ne faut surtout pas voir que de la colère chez Ramona, mais avant tout une lumière qui frémit en elle et ne demande qu’à grandir.
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