Maria Chapdelaine (1950) - la critique du film

(C) René Château - Everest Pictures, Ltd - Regina

Notre avis : Déjà adapté (et mieux) par Julien Duvivier en 1934, le roman de Louis Hémon est demeuré l’archétype du roman canadien de langue française, récupéré, pastiché, moqué, interprété de différentes manières, mais reste plus de cent ans après sa parution et son succès posthume une œuvre fondatrice au souffle indéniable. De ce souffle il ne reste plus grand-chose après le travail de Roger Vadim et Marc Allégret qui ont momifié un drame amoureux : personnages figés, dialogues proches du ridicule, acteurs déclamant face caméra… © René Château. Tous droits réservés.
Et pourtant le film commence bien, très bien même : la rencontre de Maria et Lorenzo dans le train a presque le ton d’une comédie américaine. Mais c’est surtout quelques minutes plus tard, quand le traîneau de Lorenzo et de son père s’aventure sur une rivière en plein dégel et que le trappeur François les sauve qu’on se prend à espérer : le rythme est impeccable, le suspense bien mené et le jeune Philippe Lemaire a de l’allure quand il saute de bloc de glace en bloc de glace. Hélas s’ensuit un long passage à vide pendant lequel Maria tombe amoureuse de François, est courtisée par Lorenzo, pendant que Robert, l’ami d’enfance tellement bon et résigné, se lamente de n’être pas aimé. De cette rivalité Allégret ne fait rien, si ce n’est l’exposer dans des scènes forcées prétextes à montrer une vie quotidienne partagée entre rigueur et joies fugaces. La séquence du bal qui se termine à l’église est exemplaire d’un cinéma ankylosé, académique en diable ; d’autres encore, comme la déclaration d’un Lorenzo poursuivi par la police, n’atteignent pas l’émotion, par la faute de dialogues ampoulés et d’acteurs statiques.
Et puis, de temps en temps, le film paraît transfiguré : la dureté des parents de Lorenzo, la mort de François dans la neige (mais hélas il parle), bref les séquences les plus épurées et les moins bavardes lui redonnent de la verve et un peu d’ampleur. De même certains plans dans la neige parviennent-ils à une sobre beauté qui impressionne. Mais malgré ces éclairs, Maria Chapdelaine reste bien pesant : ni Françoise Rosay et son agonie moralisatrice ni la fin larmoyante ne dissipent le sentiment de gâchis.

(C) René Château - Everest Pictures, Ltd - Regina