Le 18 octobre 2016
Une œuvre mineure dans la carrière de Kazan, mais agréable à suivre et qui contient quelques séquences étonnantes.


- Réalisateur : Elia Kazan
- Acteurs : Gloria Grahame, Fredric March, Adolphe Menjou, Cameron Mitchell, Terry Moore
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h45mn
- Reprise: 2 novembre 2016
- Date de sortie : 17 septembre 1954

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Résumé : Karel Cernik est le directeur d’un cirque tchécoslovaque. Lorsque les communistes s’emparent du pouvoir, la vie du cirque est bouleversée. La petite troupe n’est plus libre de ses déplacements, et on demande à chacun de diffuser des messages en faveur du pouvoir. Cernik décide de faire passer son cirque à l’Ouest.
Notre avis : Peu connu en France, Man on a tighrope (littéralement « un homme sur la corde raide », beau titre qui a le mérite d’être à la fois concret et symbolique, mais le film est sorti sous le titre français de Cirque en révolte) est situé dans la carrière de Kazan entre Viva Zapata ! et Sur les quais, deux œuvres fortes portées par Marlon Brando. Moins marquant, moins fort, ce long-métrage souffre de plusieurs défauts gênants : un scénario un peu brouillon et trop chargé en intrigues secondaires, des péripéties assez prévisibles, des interprètes pas toujours à la hauteur (Fredric March surjoue et Gloria Grahame est trop transparente). Et les féministes s’effareront de savoir que pour retrouver l’amour de sa femme, il faut et il suffit de la gifler …
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Mais Kazan, quand il réalise Man on a tighrope, est loin d’être un débutant et, malgré ces handicaps, il parvient par moments à une véritable leçon de mise en scène : la description de la police secrète, avec ses rivalités internes et son omniprésence, est en particulier remarquable. Que ce soit en reconstituant l’atmosphère lourde de la salle d’interrogatoire surchargée ou en plaçant dans le décor de simples silhouettes costumées, le cinéaste excelle à jouer du cadre et du montage pour créer une paranoïa angoissante et livre une critique plus subtile qu’il n’y paraît d’une bureaucratie communiste ravagée par la concurrence. À cet égard, même s’il n’est pas très développé, le personnage complexe interprété avec une gourmandise matoise par Adolphe Menjou est un condensé magnifique de la complexité d’un pouvoir dictatorial. C’est d’ailleurs dans les notations fines que Kazan est à son meilleur : tel plan fixe du cirque figé accompagné par la fanfare, l’échange muet entre le père et l’amoureux de sa fille, la baignade dans la rivière, autant de réussites mineures par rapport à l’intrigue mais qui lui donnent une épaisseur bienvenue.
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Mais le film a du mal à incorporer les multiples histoires et les changements de ton : la bagarre entre les deux directeurs de cirque, qui a quelque chose de fordien, tranche avec le pathétique final, avec des éléments de suspense ou les banales scènes de jalousie. On voit bien pourtant ce que le cinéaste pouvait viser en travaillant le thème de l’apparence et de la mise en scène, sans jamais parvenir véritablement à unifier l’aspect disparate. Alors on se consolera en admirant quelques séquences, ou en s’amusant de voir Terry Moore jouer les Baby Doll sauvages dans la paille. Rien de déshonorant, donc, dans cette œuvre mineure, mais Kazan a fait tellement mieux qu’on en reste un peu désappointé.
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