Dix-huit films pour constat terrible de la société américaine.
De son vrai nom Elias Kazanjoglous, d’origine grecque, né en Turquie en 1909, Elia Kazan émigre aux Etats-Unis avec ses parents à l’âge de cinq ans. Dès ses études universitaires à Yale, il est attiré par le théâtre, joue dans plusieurs pièces. Très vite il passe à la mise en scène et triomphe à Broadway (Un tramway nommé Désir, La chatte sur un toit brûlant de Tennessee Williams ; La mort d’un commis voyageur de Henry Miller). En 1947, il fonde une école de théâtre avec Lee Strasberg, le fameux Actors Studio, alors qu’il a déjà fait le grand saut vers Hollywood où l’attendait un contrat avec la Fox de Darryl F. Zanuck.
On a pu reprocher aux premiers films de Kazan d’être un peu trop statiques. Il est vrai qu’il est encore imprégné de son travail à Broadway, mais très vite il s’en émancipe, fluidifie ses mouvements de caméra, donne de la nervosité à son montage et surtout insuffle ce lyrisme teinté de réalisme qui sera sa marque si personnelle. Cette maturité créative coïncide avec sa découverte de Marlon Brando, élève de l’Actors Studio qu’il dirige d’abord sur les planches de Broadway, à la création d’Un tramway nommé Désir (1947). Trois films coup sur coup vont immortaliser leur collaboration : A streetcar named Desire (Un tramway nommé Désir, 1951), Viva Zapata ! (1952) et On the waterfront (Sur les quais, 1954).
Entre-temps, Kazan, ex-communiste, aura témoigné à charge contre d’anciens camarades de parti devant la commission McCarthy des activités anti-américaines. Incompréhensible comportement d’un homme réputé pour son courage et qui lui vaudra l’opprobre de la profession (souvenez-vous du silence glacial qui l’a accueilli lorsque lui a été remis l’Oscar d’honneur pour l’ensemble de son œuvre, en 1999).
De ce "faux-pas", Kazan, dans toute son œuvre à venir, ne cessera de se "justifier", en choisissant de mettre en scène des personnages de rebelles, en lutte contre le rouleau compresseur de la société américaine et ses pires abus : la corruption, qu’elle soit celle des syndicats (Sur les quais) ou celle des politiques (A face in the crowd, 1957) ; le puritanisme (Baby doll, 1956, Splendor in the grass, 1961). Et bien sûr en mettant en scène le rebelle personnifié, James Dean, autre pur produit de l’Actors Studio, dans East of Eden (À l’est d’Eden, 1955). Puis viendra son chef-d’œuvre, America, America (1963), enquête sur ses racines dans laquelle il livre un constat terriblement pessimiste sur l’humanité. Encore trois films avant de tirer sa révérence : The arrangement (1963), The visitors (1972) et, pour terminer The last tycoon (Le dernier nabab, 1976).
Filmographie
– Le maître de la prairie (The sea of grass, 1946)
– Boomerang ! (1947)
– Le mur invisible (Gentleman’s agreement, 1947)
– Pinky (1949)
– Panique dans la rue (Panic in the streets, 1950)
– Un tramway nommé Désir (A streetcar named Desire, 1951)
– Man on a tightrope (1952)
– Viva Zapata ! (1952)
– Sur les quais (On the waterfront, 1954)
– A l’est d’Eden (East of Eden, 1955)
– La poupée de chair (Baby doll, 1956)
– Un homme dans la foule (A face in the crowd, 1957)
– Le fleuve sauvage (Wild river, 1960)
– La fièvre dans le sang (Splendor in the grass, 1961)
– America, America (1963)
– L’arrangement (The arrangement, 1969)
– Les visiteurs (The visitors, 1972)
– Le dernier nabab (The last tycoon, 1976)