Le 25 août 2021
Fritz Lang transcende le film de propagande pour en faire une oeuvre très personnelle.


- Réalisateur : Fritz Lang
- Acteurs : Joan Bennett, John Carradine, Roddy McDowall, George Sanders, Walter Pidgeon, Ludwig Stössel
- Genre : Film de guerre, Espionnage, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Ciné Sorbonne (reprise)
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h45mn
- Reprise: 27 mars 2024
- Titre original : Man Hunt
- Date de sortie : 15 juin 1949

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– Reprise en version restaurée : 27 mars 2024
– Année de production : 1941
Résumé : Thorndyke, amateur de chasse anglais, tient Hitler au bout de son fusil à lunette. Capturé avant d’avoir pu faire feu, il parvient à s’échapper. De retour en Angleterre, des nazis le traquent. Il décide de retourner en Allemagne pour en finir avec le Führer.
Critique : Après deux westerns bien accueillis Le retour de Frank James ("The Return of Frank James," 1940), avec Henry Fonda, et Les pionniers de la Western Union ("Western Union", 1941) avec Randolph Scott, la Twenty Century Fox confie à Fritz Lang l’adaptation du roman Rogue Male ("Le solitaire" 1939), de Geoffrey Household. Curieusement, elle l’avait d’abord proposée à John Ford. Mais celui-ci était alors trop absorbé par le tournage de Qu’elle était verte ma vallée ("How Green Was My Valley"). Ce choix par défaut paraît pourtant des plus judicieux, puisque c’est pour le studio une œuvre de propagande anti-nazie et que Lang avait fui l’Allemagne dès 1933.
Sur un scénario brillant de Dudley Nichols, le cinéaste, doté d’un budget très moyen, va s’approprier le projet pour dépasser le simple film de propagande. Étonnamment, la personnalité du héros, Alan Thorndyke, n’est pas très claire : c’est un riche gentleman britannique prodigue, qui passe son temps à barouder autour du monde pour le plaisir de la chasse. On s’interroge sur son projet de pouvoir mettre en joue le Führer "pour le sport". Cette lubie va lui coûter cher, car de chasseur, c’est lui qui deviendra la cible des autorités nazies.
Le récit va s’attacher à suivre cet homme aux abois : partant de la Bavière, il va traverser l’Allemagne, rejoindre Londres et se cacher dans le Dorset. Thorndyke, avec son flegme tout britannique, va devenir malgré lui un héros comme les aime Hitchcock (seul et traqué, aussi bien par ses ennemis que la police). Dans sa fuite, il va rencontrer par hasard une jeune "escort girl" futée, à l’accent cockney, Jerry (Joan Bennett), ce qui donnera lieu à des échanges cocasses : l’Anglais guindé ne verra même pas qu’il l’a séduite.
Les décors à la limite du carton-pâte (petit budget oblige) finissent par donner une dimension expressionniste bienvenue, chère au réalisateur. Les scènes d’action qui jouent sur les ombres et le clair-obscur sont particulièrement réussies, grâce aussi au talent du directeur de la photo, Arthur C. Miller.
Quant à la distribution, elle est éblouissante : Walter Pidgeon joue un personnage toujours digne et pince-sans-rire ; George Sanders, un dignitaire allemand, bilingue, très cultivé, hautain, mais aussi d’une terrible cruauté ; John Carradine incarne l’homme de main des nazis qui ressemble à un croque-mort, le très jeune Roddy McDowall est un petit mousse malin, aux yeux tout ronds. Et Joan Bennett interprète une Jerry très à l’aise, d’une spontanéité réjouissante.
Au-delà du film de commande et de propagande, Fritz Lang, une fois de plus, marque cette réalisation de son talent pour offrir une œuvre très personnelle, tout à la fois sérieuse (comme le sujet l’impose) et divertissante.