100% endoctriné en France
Le 29 janvier 2016
Le thriller sensible de Nicolas Boukhrief, déprogrammé à la dernière minute en raison des attentats du 13 novembre, verra sa sortie arriver en janvier sous la forme de deux alternatives.
- Réalisateur : Nicolas Boukhrief
- Acteurs : Malik Zidi, François Civil, Nassim Si Ahmed, Franck Gastambide, Dimitri Storoge, Nassim Lyes
- Genre : Thriller
- Nationalité : Français
- Durée : 1h34mn
- Date de sortie : 29 janvier 2016
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Nicolas Boukhrief aborde un sujet sensible en évitant de se perdre dans les explications sur le fanatisme. Le résultat est un thriller implacable, brutal et humain.
L’argument : Sam, journaliste indépendant, profite de sa culture musulmane pour infiltrer les milieux intégristes de la banlieue parisienne. Il se rapproche d’un groupe de quatre jeunes qui ont reçu pour mission de créer une cellule djihadiste et semer le chaos au cœur de Paris.
Notre avis : Au moment où les tragiques événements de janvier résonnent encore douloureusement dans notre mémoire collective, le sujet du film n’aurait pu être autant d’actualité. Or, le scénario fut écrit de 2011 à 2013, suite au danger grandissant, relatif aux jeunes occidentaux désirant faire le djihad à l’image d’un Mohamed Merah. Made in France ne tombe pas dans les écueils, qui lui tendaient pourtant les bras, face à son sujet brûlant et « casse-gueule ». Boukhrief n’a pas pour ambition de fournir des réponses quant au radicalisme de ces individus. Il construit son film sur le domaine du pur polar, correspondant d’ailleurs aux images consommées par les jeunes djihadistes sans repères. Par le passé, le réalisateur avait déjà fait ses preuves dans le thriller avec notamment le très immersif et sombre Le convoyeur, suivi des moins robustes mais tout de même appréciables Gardiens de l’ordre et Cortex.
- © Pretty Pictures
Made In France a pour cadre la formation d’une cellule terroriste. La particularité est de nous amener, non pas dans un réseau nébuleux et bien organisé, mais à contrario au plus bas de l’échelle. Ainsi, on contemple avec crainte et stupéfaction l’endoctrinement et la radicalisation de jeunes Français dans une guerre qu’ils qualifient de « sainte ». La signification même du mot « jihad » renvoie d’ailleurs à cette notion de lutte pour atteindre un but précis, dont la violence est indissociable. Au cœur de l’histoire, on suit le personnage de Sam, un journaliste intrépide et tout aussi inconscient, qui infiltre le milieu en y voyant le sujet de son prochain livre. La mise en forme de ce personnage est justement l’un des points forts du film. On peut en effet le voir comme un antihéros, un homme ordinaire de confession musulmane qui s’enfonce malgré lui dans une situation dangereuse et irréversible. Le spectateur ressent donc parfaitement son angoisse face à la perte de contrôle de la situation, mais aussi son empathie vis-à-vis de ces jeunes qui prennent part au combat.
Quelles raisons peuvent pousser des hommes à commettre de tels actes ? Boukhrief ne s’attarde malheureusement pas assez sur ce point. On en apprend finalement trop peu sur les motivations de chacun. De même, le film désire nous montrer le terrorisme islamiste vu de l’intérieur, mais n’aborde pas suffisamment les moyens mis en œuvre pour l’enroulement et la manipulation. L’approche des raisons sociales, culturelles, religieuses ou encore individuelles, aurait sans aucun doute permis d’étoffer la force du film. En revanche, le manque de repères et la désintégration de ces fanatiques, pour certains convertis à l’islam, est évidente. Made in France vise clairement à démystifier l’image des terroristes. Il les décrédibilise et les montre comme de vulgaires jeunes individus issus de notre propre voisinage. Leur naïveté, leur manque d’esprit critique et d’idéaux les aveuglent sur leur véritable rôle : être uniquement de la chair à canon.
- © Pretty Pictures
Éduqués aux jeux vidéo, à la télévision et à l’internet, les apprentis djihadistes s’identifiant paradoxalement à Scarface (caïd à la poursuite d’un rêve capitaliste) se heurtent pourtant à la réalité. La violence inhérente à leur engagement, et le point de non-retour les frappent de plein fouet. Le film montre habilement la mise à l’épreuve de ces disciples, qui sont des hommes avant tout, avec des doutes et une peur naissante. Certains ne se considèrent pas comme des barbares, mais comme des « soldats qui attendent les ordres ». La nuance devient plus difficile à percevoir lorsque l’objectif du fanatisme est de faire des victimes innocentes. Un mode de vie, une culture ou une religion différente peuvent-ils justifier de tels actes ? La réponse est évidente, mais la détermination des protagonistes, mise en scène de façon implacable, nous saisit pleinement. Made in France s’installe dans le registre du pur cinéma de genre. Froid, brutal et allant directement au cœur du sujet. Bien que la menace soit planante dès le début, l’action met cependant un certain temps pour se lancer. La force du film réside davantage dans cette gestion de l’insécurité constante, aidée par des personnages imprévisibles et bien incarnés, mais aussi par la bande originale. Composée par le Français Rob (Horns, Populaire, Tristesse Club), elle rappelle sensiblement les musiques synthétiques et minimalistes des films de Carpenter, où la terreur gronde en zone urbaine.
Bien que Made in France soit moins coup de poing que prévu, il n’en demeure pas moins un film de genre fluide et percutant.
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