Le 30 septembre 2020
Fascinant et jubilatoire, une nouvelle fois le film de Gaspar Noé fait le pari de l’expérimentation et des excès, au risque parfois de la complaisance.


- Réalisateur : Gaspar Noé
- Acteurs : Béatrice Dalle, Charlotte Gainsbourg, Abbey Lee, Félix Maritaud, Claude-Emmanuelle Gajan Maull, Clara Deshayes
- Genre : Drame, Thriller, Expérimental
- Nationalité : Français
- Distributeur : UFO Distribution
- Durée : 0h51mn
- Date de sortie : 23 septembre 2020
- Festival : Festival de Cannes 2019

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Résumé : Charlotte Gainsbourg accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle. Or l’organisation anarchique, les problèmes techniques et les dérapages psychotiques plongent peu à peu le tournage dans un chaos de pure lumière.
Critique : Il faut l’épaisseur et l’expérience d’une Charlotte Gainsbourg et d’une Béatrice Dalle pour oser jouer son propre rôle. Les deux comédiennes échangent sur leur filmographie et l’impudeur où certains tournages les ont conduites. Personne ne peut résister devant la fragilité de Charlotte quand elle fait allusion à l’immense film de Lars von Trier Melancholia, qui a conduit son personnage sur le bûcher de la fin du monde, ou devant la voix rocailleuse et foudroyée de Béatrice, qui témoigne autant de sa carrière que de ses égarements personnels. Cette dernière incarne une metteuse en scène, s’apprêtant à filmer la condamnation au feu de sorcières, dont Charlotte Gainsbourg qui va interpréter l’une des condamnées. Gaspar Noé s’efface pour donner la voix à ces deux femmes, l’une comédienne, l’autre cinéaste, mais seulement pour un temps, car très vite, il reprend la main, comme il sait tellement bien le faire, en s’emparant du film réalisé pour produire sa propre œuvre.
- Copyright UFO Distribution
Voilà du Gaspar Noé tout craché. On reconnaît sa patte jusqu’au générique de fin qui joue avec le prénom des comédiens et des techniciens, insère des citations de cinéastes, plus mégalomaniaques qu’instructives. Le metteur en scène se répand sur l’écran dans une symphonie de sons, de couleurs et de lumières. Il y a presque une sorte de jouissance à forcer les sens au risque de provoquer chez les spectateurs une crise d’épilepsie. L’hystérie devient le personnage central de cette mise en abyme du réalisateur, qui joue son propre rôle à travers les deux figures de Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg.
- Copyright UFO Distribution
Miraculeusement le moyen-métrage échappe au projet expérimental. En réalité, Gaspar Noé raconte sa propre histoire du cinéma, où il adopte la démesure et la provocation pour témoigner de son rapport au monde. Le réalisateur dénonce l’univers de la production, l’orgueil des comédiens, et les apprentis artistes qui projettent à travers leurs œuvres futures l’écrasement de celles et ceux qui les empêchent d’exister. Il a tellement à dire que le format semble trop étroit. La fin précipitée laisse presque le spectateur dans un état de manque ou de vide, comme si la parole de l’auteur avait été ravie par des contingences économiques et financières.
- Copyright UFO Distribution
Naturellement, voilà un film qui ne séduira pas tout le monde. Certains y verront un essai prétentieux, sans queue ni tête, là où d’autres y verront l’œuvre majeure d’un cinéaste qui fait le point sur quarante ans de filmographie. Il y a du mouvement, des excès, des cris, des larmes, et surtout cette lumière cinglante qui pétille dans le crâne du spectateur jusqu’à la dernière image. Lux Aeterna ne laissera personne indifférent.