Délivre-nous du mâle !
Le 15 juillet 2015
Nouveau trip de Gaspar Noé qui sous airs de film porno évoque la déliquescence du couple, ses affres et ses déceptions. Une extrême mélancolie se dégage de Love qui souffre d’un manque de vigueur dans son scénario malgré une mise en scène d’une grande maîtrise.
- Réalisateur : Gaspar Noé
- Acteurs : Karl Glusman, Aomi Muyock, Klara Kristin
- Genre : Drame, Érotique, 3D
- Nationalité : Français
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 15 juillet 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Nouveau trip de Gaspar Noé qui sous
airs de film porno évoque la déliquescence du couple, ses affres et ses déceptions. Une extrême mélancolie se dégage de Love qui souffre d’un manque de vigueur dans son scénario malgré une mise en scène d’une grande maîtrise.
L’argument : Un 1er janvier au matin, le téléphone sonne. Murphy, 25 ans, se réveille entouré de sa jeune femme et de son enfant de deux ans. Il écoute son répondeur. Sur le message, la mère d’Electra lui demande, très inquiète, s’il n’a pas eu de nouvelles de sa fille disparue depuis longtemps. Elle craint qu’il lui soit arrivé un grave accident.
Au cours d’une longue journée pluvieuse, Murphy va se retrouver seul dans son appartement à se remémorer sa plus grande histoire d’amour, deux ans avec Electra. Une passion contenant toutes sortes de promesses, de jeux, d’excès et d’erreurs...
(C) Wild Bunch Distribution
Notre avis : Gaspar Noé a été à l’origine de quelques films que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Lancé par la Semaine de la Critique en 1991 avec son fabuleux court-métrage Carne, c’est toujours une attention particulière que lui a porté la ville azuréenne. Son premier long-métrage Seul contre tous, suite du court dans lequel on suit Philippe Nahon dans la peau d’un boucher vérolé et raciste, n’est pas loin de déclencher le pugilat sur la Croisette. Il faut dire que les considérations idéologiques de notre « héros » ont ceci de dérangeantes : elles saisissent par une absence totale de morale. Nous sommes en 1998, époque chantante de la France Black-Blanc-Beur. Le film annonce déjà un retour aux vieilles valeurs que le pays allait se prendre dans la gueule à peine quelques années plus tard. Seul contre tous était pourtant un morceau d’anthologie, d’une grande maîtrise formelle et nous avait laissé baba. C’était sans compter son arrivée sur le tapis rouge en 2002 pour Irréversible dans lequel le couple star Vincent Cassel et Monica Bellucci était confronté au viol et à la vengeance froide et sauvage. Le film est hué comme il se doit par la crème de la profession, Gaspar Noé n’en attendait pas moins. Rebelote en 2009 pour le trip sous acide Enter the void qui a laissé sur le carreau une bonne partie de ses spectateurs. Enter the void était hallucinant et diablement sensuel, objet unique dans le paysage cinématographique. Autant dire que Love était attendu à Cannes comme une promesse de débats houleux, de testostérone et d’interdit : quoi de mieux qu’un film porno réalisé en 3D par le cinéaste le plus sulfureux de sa génération ?
(C) Wild Bunch Distribution
On vous le dit tout de go, Love fût applaudi (mais tièdement) lors de la projection cannoise de cette chaude nuit de mai. On en attendait tellement qu’une fois le râle passé, on était presque rassuré. Le pugilat n’aura pas lieu. Le topo ? Une histoire d’amour passionnelle vue à travers les yeux d’un jeune homme, étudiant en cinéma, qui a grandi sans oublier son amour de jeunesse. Nous revenons dans son passé par bribes, lors de flash-backs où nous le retrouvons aux côtés d’Electra, femme fatale qui l’entraîne dans des abîmes d’excès. Le film s’ouvre sur une séquence de branle entre les protagonistes qui semble durer éternellement et annonce la couleur des scènes de sexe non simulées. Première éjaculation !
Gaspar Noé n’est jamais aussi bon quand il filme les séquences d’amour, refusant toute la frénésie du montage pour laisser les corps s’animer lors de plans fixes à se damner. Telle une bonne vieille pelloche d’amateurs, il refuse la surenchère des plans de coupe mais cherche la vérité dans les plans-séquences. Et pourtant, ces scènes peinent à émoustiller tant elles sont belles, sculpturales. De cette beauté ne réussit à naître aucune excitation. La magnifique photographie de Benoit Debie et la finesse des éclairages rendent ces séquences grandioses mais mécaniques. La gestuelle y est certainement trop huilée.
De fait, l’histoire que tente de nous raconter Noé est presque accessoire. Elle devient simplement la caution de ce qui l’intéresse vraiment, c’est-à-dire filmer les ébats comme personne ne l’a jamais fait. Coutumier d’une voix-off omniprésente, ici celle de Murphy le cinéaste en herbe, Gaspar Noé semble esquisser un dialogue avec lui-même dans son rapport au couple et à la drogue. Tentative d’introspection qui ne convainc pas vraiment et qui manque parfois de sincérité. Tandis que notre hardeur national HPG faisait preuve de facétie dans son autoportrait drôle et touchant Fils de, le cinéaste argentin ne réussit jamais à sortir d’une posture trop rigide. Car dans Love, il est aussi question de paternité, de celle que l’on subit après un accident de capote. Et Murphy est en proie à un désespoir existentiel, ne trouvant pas sa place au sein du couple et d’une famille qu’il n’arrive pas à accepter. Ainsi, une incroyable mélancolie se dégage du film et une sensualité qui, au delà des séquences de sexe, transperce l’écran. Gaspar Noé est avant tout un cinéaste de sensation, de pure mise en scène, qui donne une importance primordiale au mixage sonore qui enveloppe les corps. Ceux des comédiens mais aussi ceux des spectateurs. Love n’est finalement pas un film sur l’amour mais sur la déception amoureuse, sublimé lors d’une ultime étreinte, bouleversante et inattendue.
(C) Wild Bunch Distribution
Une fois n’est pas coutume, le cinéaste instille quelques touches d’humour que l’on n’attendait pas. Le paroxysme arrivant lors du caméo de son producteur et distributeur Vincent Maraval (créateur de la structure Wild Bunch et à l’origine du « Maraval Gate » sur les salaires des acteurs) grimé en flic et faisant l’apologie de l’échangisme à Murphy. Ces moments arrivent comme des respirations dans un univers qui n’en finit plus d’être glauque.
De Love nous retiendrons surtout la promesse de son incipit (sa première demi-heure). Le film finit par s’essouffler, souffrant de quelques longueurs inutiles (c’était d’ailleurs déjà le cas de son dernier film Enter the void) et un cruel manque d’empathie pour ces personnages. L’objet de désir que nous pensions sulfureux est en fait fruit d’un certain conservatisme : certains diront hétéro-normé (la séquence borderline avec le transsexuel) et d’autres misogyne (peu de place ici pour l’orgasme féminin). Deuxième éjaculation en 3D et face caméra ! L’indignation a fluctué en même temps qu’ont évolué les mœurs des spectateurs que nous sommes devenus. Le sexe ne choque plus, le porno irrigue aujourd’hui la vie de nos contemporains. Love peut d’ailleurs apparaître comme un succédané de film porno dont il n’a rien à envier lorsqu’il dépeint le sexe (séquences bercées par une bande son aux petits oignons dont la tonalité change en fonction des humeurs des personnages) mais qui se rapproche du genre dans la vacuité d’un scénario trop attendu. Love n’est finalement pas le choc espéré, la sensation de déjà-vu du script et sa surenchère maladive éclipsent parfois une mise en scène toujours aussi éclairée.
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