Glasnost blues
Le 29 septembre 2004
À travers la quête d’amour d’une jeune femme, Ikonnikov pose un regard impitoyable de drôlerie sur la Russie de ces dernières années.
- Auteur : Alexandre Ikonnikov,
- Editeur : Editions de l’Olivier
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Russe
L'a lu
Veut le lire
Déjà Les dernières nouvelles du bourbier nous avaient prévenus : il ne faut pas s’attendre à des effets de style avec Alexandre Ikonnikov. Les belles phrases, les mots subtilement choisis, les enjolivures, ce n’est pas son rayon. Les accessoires rangés dans son plumier seraient plutôt du genre pic et pioche, avec lesquels il construit ses récits à la va-comme-je-te-pousse, tenant ensemble avec aussi peu de mortier que possible, un peu comme les immeubles qu’on trouve en cercles concentriques à la périphérie de Moscou. Pas esthétiques mais utiles. Passé cet obstacle, le doute n’est pas permis : notre homme est un fameux conteur, qui n’a pas son pareil pour humer l’air du temps de chez lui et transcrire les aléas de la vie au fin fond de la province russe.
Retour, donc, au bourbier, pour suivre, entre glasnost et perestroïka, quelques tranches de la vie de Lizka. À quoi rêvent les jeunes filles dans un pays qui régulièrement sombre dans la folie, où on casse tout "sans avoir la moindre idée de ce à quoi [va] ressembler le nouveau" ? A l’amour pardi, comme partout ailleurs. Mais il semblerait que le type du prince charmant soit définitivement absent de ces régions inhospitalières. D’autant que Lizka ne connaît pas franchement le mode d’emploi et ne cesse de se fourrer dans des situations aussi cocasses que pénibles. À vrai dire, l’héroïne d’Ikonnikov est attachante, qui ne cesse d’y croire malgré des revers cinglants. À ses hommes, en revanche, le romancier ne fait pas de cadeau. Escrocs, pantins, alcooliques, faux-jetons, égoïstes, menteurs, combinards et surtout désemparés : la brochette n’est pas belle à voir de ces handicapés du communisme, aussi inaptes à la vie en société qu’à une relation amoureuse. Restent les copines pour partager les rêves, le fatalisme pour supporter le quotidien, les livres dans lesquels se réfugier et, in fine, la rencontre avec l’insolent poète, avatar assez transparent de l’auteur.
Pour s’en sortir, on ne pourrait donc s’en remettre qu’à la littérature ? Et surtout à l’humour ? Disons-le tout net : oui. Tant qu’un écrivain - même s’il n’est pas publié dans son pays natal - saura manier la satire avec autant de joyeuseté, donner des coups de griffe aussi toniques, montrer une lucidité aussi allègre, tout en conservant une si grande tendresse pour ses concitoyens, rien ne sera définitivement perdu dans la maison brinquebalante appelée Russie.
Alexandre Ikonnikov, Lizka et ses hommes (traduit du russe par Antoine Volodine), Éd. de l’Olivier, 2004, 214 pages, 20 €
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.