Le 3 septembre 2018
Un documentaire qui cerne avec acuité les aberrations de la machine bureaucratique et force le respect par sa sincérité humaniste.
- Réalisateur : Michel Toesca
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 26 septembre 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018
L'a vu
Veut le voir
Résumé : La Roya, vallée du sud de la France frontalière avec l’Italie. Cédric Herrou, agriculteur, y cultive ses oliviers. Le jour où il croise la route des réfugiés, il décide, avec d’autres habitants de la vallée, de les accueillir. De leur offrir un refuge et de les aider à déposer leur demande d’asile. Mais en agissant ainsi, il est considéré hors la loi... Michel Toesca, ami de longue date de Cédric et habitant aussi de la Roya, l’a suivi durant trois ans. Témoin concerné et sensibilisé, caméra en main, il a participé et filmé au jour le jour cette résistance citoyenne. Ce film est l’histoire du combat de Cédric et de tant d’autres.
Critique : Michel Toesca est un réalisateur indépendant ayant tourné des courts, moyens et longs métrages engagés pour la télévision et le cinéma (Démocratie Zéro6). On cherchera en vain dans Libre une tentative de renouveler le documentaire en proposant un travail formel qui se démarque de la production courante. À l’instar de Davis Guggenheim s’effaçant derrière Al Gore dans Une vérité qui dérange, Michel Toesca cerne avant tout le portrait de Cédric Herrou, même si la complicité entre les deux hommes est manifeste, le cinéaste se permettant même des interventions hors-champ. Ainsi, Libre intéressera davantage le juriste et le citoyen que le cinéphile. Cette remarque étant précisée, le documentaire est passionnant dans sa capacité à présenter les aberrations de la machine bureaucratique et force le respect par sa sincérité humaniste. De l’arrivée des premiers migrants dans la vallée de la Roya à la condamnation de Cédric Herrou par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Toesca filme le combat d’un homme déterminé à apporter son aide à des immigrés épuisés par une marche interminable, les nourrir et leur proposer un hébergement, ou les accompagner pour effectuer une demande d’asile auprès des autorités administratives.
- Copyright Jour 2 Fête / Laurent Carre
Le film ne se focalise pas seulement sur Cédric Herrou et donne aussi la parole à des militants et bénévoles, telle cette infirmière libérale dispensant des soins aux migrants mais ne l’évoquant pas dans son entourage professionnel de peur d’entendre des remarques désobligeantes. Libre est aussi intéressant dans son traitement de la problématique des contradictions et ambiguïtés : flou juridique du territoire de la vallée de la Roya partagée entre la France et l’Italie, expulsion de clandestins dans un train vers le sud de l’Italie, avant qu’ils ne refassent à pied le trajet inverse, volonté de refouler des enfants du territoire français sachant que la loi impose leur protection, mise en exergue de l’idée de frontière, alors que l’espace Schengen l’a supprimée entre la France et l’Italie. Surtout, le documentaire pose la question du libre arbitre face à la nécessité d’aider des personnes en souffrance, tout en respectant la loi et les réglementations, les dispositions de l’État de droit ne permettant pas toujours de trancher ce dilemme.
- Copyright Jour 2 Fête / Laurent Carre
« Pour moi, c’est un film politique, un film sur les droits politiques, question inhérente à notre condition d’être humain. Cédric et moi nous sommes toujours définis comme des citoyens qui réagissent à une situation particulière, et non comme des militants. Ce film est un geste de création qui se pose comme une action de résistance. Le cinéma joue dans ces cas-là un rôle essentiel », a déclaré Michel Toesca. Même si l’on aurait aimé entendre davantage ces hommes et femmes, parfois délaissés au profit de plans privilégiant leur bienfaiteur, Libre est au final un documentaire salutaire qui mérite sa place dans les salles de cinéma. Notons que le 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a décrété que le principe de fraternité était désormais constitutionnel, et pouvait donc être invoqué dans un tribunal. Cette décision laisse augurer une relaxe de Cédric Herrou en cassation, ce dont nous nous réjouissons.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.