Pourquoi sont-ils si méchants ?
Le 2 janvier 2015
Les nains aussi ont commencé petits est un film dérangeant qui fit scandale. On pouvait difficilement accepter une mise en scène de nains adeptes de la cruauté. Il y a pourtant quelque chose de jouissif dans cette représentation de la destruction. Et la morale n’est peut-être pas du côté qu’on croit.
- Réalisateur : Werner Herzog
- Acteurs : Helmut Döring, Gerd Nickel, Paul Glauer
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 1h36mn
- Titre original : Auch zwerge haben klein angefangen
- Date de sortie : 1er novembre 1972
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Les nains aussi ont commencé petits est un film dérangeant qui fit scandale. On pouvait difficilement accepter une mise en scène de nains adeptes de la cruauté. Il y a pourtant quelque chose de jouissif dans cette représentation de la destruction. Et la morale n’est peut-être pas du côté qu’on croit.
L’argument : Des nains enfermés dans un asile se révoltent contre leur directeur.
Notre avis : Des nains se sont échappés d’un centre de rétention et menacent le directeur. A l’intérieur ce dernier (encore un nain : il n’y a que des nains dans le film) a pris en otage un nain ligoté sur une chaise qui passe son temps à rigoler. A l’extérieur les révoltés sèment le chaos. Ils détruisent des objets, martyrisent des animaux et deux autres nains aveugles qui n’ont qu’une pauvre canne pour se défendre. C’est sûr que raconté comme ça, le film ne donne pas vraiment envie. Et à vrai dire quand on le regarde, on n’y comprend pas grand chose. De quoi s’agit-il : d’un théâtre de l’absurde, d’un théâtre de la cruauté ? Ou alors il s’agirait d’une métaphore politique ? Herzog se moquerait des mouvements contestataires de la fin des années 60 en filmant des personnages révoltés monstrueux et cruels ? Ou alors on aurait affaire à une parabole sur le nazisme ? Le film fit scandale. On traita Herzog de fasciste. On peut comprendre cette réaction de rejet qui est la première réaction qu’on peut avoir face à la monstruosité de ces nains. Mais quand on y repense, on peut arriver à le comprendre d’une toute autre façon. A l’instar du Freaks de Tod Browning qui est une référence évidente, en dépeigant les nains comme des êtres pouvant agir horriblement comme n’importe quel être humain, Herzog ne leur confère-t-il pas justement cette humanité ? Ceux qui s’offuscent de ce qu’un nain puisse être mauvais dans un film n’ont-ils pas eux un problème de regard ? Est-ce moins scandaleux de les cantonner à des personnages fantastiques comme dans la série Joséphine ange gardien ? Que les nains puissent se comporter comme des bourreaux, voilà une idée plutôt intéressante. Il y a de l’humour noir dans cette farce macabre. Elle a aussi un côté jouissif. Le cinéma permet ce genre de plaisir coupable. On assiste à un déferlement de désirs sans frein, incluant aussi des désirs de destruction. En 1968 des intellectuels du camp de la réaction avaient osé lier le déferlement du désir auxquels ils assistaient avec le nazisme.
Le point de vue est excessif mais pas inintéressant. Aujourd’hui on serait malhonnête de ne pas considérer tous les carcans qu’ont pu faire sauter les révoltes des années 60. Mais il est aussi vrai que ces révoltes avaient des allures de fêtes et qu’il ne fallut pas longtemps pour que bien des révoltés deviennent des cadres de grandes sociétés. Le dérèglement de la finance aujourd’hui n’est-elle pas une autre forme de dérèglement du désir ? La farce d’Herzog ne manque pas de pertinence. En tant que spectateur on est mal à l’aise mais on rit aussi. La jouissance vient du mauvais goût affiché et du nihilisme absolu dont fait preuve le film. Il n’y a plus de sens, rien que de la dérision. Toutes les valeurs explosent. Et ça fait du bien. Ce genre de film est nécessaire. Il évite la systématisation dogmatique. Cinématographiquement c’est vraiment intéressant. Le film a un côté burlesque qui vient de la disproportion des objets avec la taille des nains. Les images de cruauté sont tout aussi fortes. Ce sont de grandes images de cinéma si on veut bien laisser de côté le jugement moral. Le film se termine sur un rire mortifère face à un chameau ridiculisé. Lorsqu’on connaît la suite de l’œuvre d’Herzog que beaucoup ont qualifié de nietzschéenne, on pense à la parabole dans (Ainsi parlait Zarathoustra). « Je vais vous dire trois métamorphoses de l’esprit : comment l’esprit devient chameau, comment le chameau devient lion, et comment enfin le lion devient enfant. ». Le chameau c’est l’homme qui plie sous les valeurs imposées par la tradition qui brident son élan vital. Zarathoustra annonçait le surhomme, c’est-à-dire l’individu qui ayant détruit toutes les valeurs (la religion, la morale) en crée de nouvelles. Par la suite Herzog racontera des histoires de surhommes (Aguirre, Fitzcarraldo) qui au final ne créeront pas grand chose. Il était trop intelligent pour ne pas voir que les grandes entreprises se dénouent souvent dans des aveux d’impuissance.
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