Génération désenchantée
Le 26 juillet 2015
Présenté en intégralité à la Quinzaine des Réalisateurs 2015, le film somme de Miguel Gomes sort tout au long de l’été. Le second volume de ces Mille et une nuits s’avère moins fantaisiste que le premier, mais pas moins intéressant.
- Réalisateur : Miguel Gomes
- Acteurs : Adriano Luz, Crista Alfaiate
- Genre : Drame, Documentaire
- Nationalité : Allemand, Suisse, Portugais
- Distributeur : Shellac
- Durée : 2h11
- Titre original : As mil a uma noites
- Date de sortie : 29 juillet 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Où Schéhérazade raconte comment la désolation a envahi les hommes : « Ô Roi bienheureux, on raconte qu’une juge affligée pleurera au lieu de dire sa sentence quand viendra la nuit des trois clairs de lunes. Un assassin en fuite errera plus de quarante jours durant dans les terres intérieures et se télétransportera pour échapper aux gendarmes, rêvant de putes et de perdrix. En se souvenant d’un olivier millénaire, une vache blessée dira ce qu’elle aura à dire et qui est bien triste ! Les habitants d’un immeuble de banlieue sauveront des perroquets et pisseront dans les ascenseurs, entourés de morts et de fantômes, mais aussi d’un chien qui… ». Et le jour venant à paraître, Schéhérazade se tait. - « Quelles histoires ! C’est sûr qu’en continuant ainsi, ma fille va finir décapitée ! » – pense le Grand Vizir, père de Schéhérazade, dans son palais de Bagdad.
Critique : Le second volume des Mille et une nuits de Miguel Gomes s’ouvre sur le vol d’un drone. D’abord au son agressif de la machine puis nous apparaît son aspect, sorte de moustique autoritaire ridicule. Le premier conte de cet opus est en effet une traque. Celle de Simao sans tripes. Nous sommes égarés avec lui dans une steppe portugaise aride. Ce début sera une fuite, l’errance d’un homme dont on sait qu’il a tué, qu’on finit par glorifier car il a su échapper aux autorités. Le ton est donné, le rythme aussi, autrement plus dilué temporellement que dans L’inquiet, premier volume. Dans ce deuxième volet, justement intitulé Le désolé, Gomes est bien moins optimiste. Le rire n’y est que très peu présent, on sent en revanche l’obsession de la vérité qui gangrène tout. Schéhérazade nous conte la suite des aventures du peuple portugais, condamné dès le début à sombrer dans la désolation.
La suite est un véritablement jugement : un procès en plein air, auquel l’audience participe. Un public déguisé et résolument impliqué puisqu’au fur et à mesure, certains spectateurs se lèvent et confessent leurs forfaits. La juge ne peut retenir ses larmes devant cet enchevêtrement de méfaits, tous ou presque justifiés par une chose : le manque d’argent. La misère qui fait pleurer la justice : le symbole est grand et il est évidemment manié avec délicatesse. Magie du cinéma, le tribunal écoute et comprend toutes les langues : la langue des signes, le chinois, l’anglais... Mais le constat est rude, celui d’une pauvreté totale, qu’elle soit intellectuelle ou physique.
Gomes commence à faire circuler ses acteurs de film en film, créant encore une fois son propre univers. On retrouve ainsi des personnages du premier volet dans d’autres rôles.
Le troisième conte tourne autour d’un animal, un chien nommé Dixie, qui se déplace dans un immeuble et tout d’un coup le film devient presque sériel. En effet, Dixie va de couloirs en appartements et change de maîtres. Il assure une quasi-transmission entre le couple plus âgé qui l’avait adopté et le jeune ménage qui le récupère lorsque le couple disparaît. On a bien du mal dans ces saynètes à départir l’essentiel de l’anecdotique. Ce qui fait le lien, c’est souvent l’animal. Le chien Dixie donc mais aussi le perroquet d’une famille de l’immeuble. Dixie semble exercer une fascination sur les habitants de l’immeuble, on serait presque déçu qu’il ne parle pas. Qu’importe, le réalisateur a donné le la : cet opus sera bien plus sombre que le premier, plus désenchanté. La plupart des personnages connaitront un destin tragique.
Le désolé, c’est peut-être le réalisateur, ou plutôt le comité central, comme il désigne l’instance dont il fait partie, choisissant les faits divers et rencontres qui feront récit tout au long de ces Mille et une nuits. La variété des histoires et du propos ne doit pas apparaître comme quelque chose de négatif ; au contraire, elle permet à l’œuvre de Gomes de prendre de l’ampleur et se dessiner peu à peu sous nos yeux, aussi belle qu’inattendue. Ce deuxième volet sort en salles un mois après le premier, le réalisateur expliquant lui-même qu’il faut laisser passer un peu de temps entre les films, pour faire monter le désir. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas s’attendre à trois variations de quelque chose d’identique, mais plutôt à une profusion d’histoires, avec ce que cela comporte de jouissif, d’incertain et de déceptif, aussi.
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.