Le 26 juin 2007
Infernale déception : Scorsese fait le remake d’un polar asiatique hongkongais qui se suffisait à lui-même et échoue dans toutes ses ambitions. De quoi s’inquiéter de l’état de son cinéma.
A l’heure où chacun de ses nouveaux films est porté au pinacle par une critique exagérément extatique (le syndrome Eastwood), remettons les pendules à l’heure : visiblement peiné par les coupes sur son Gangs of New York par l’usine Miramax, Martin Scorsese fait depuis quelque temps un peu n’importe quoi pour avoir la reconnaissance de ses pairs, quitte à se corrompre dans des productions anodines. Comme s’il avait sacrifié sa singularité filmique sur l’autel d’un classicisme indolore. On avait déjà cette sensation avec The aviator, biopic académique sur la vie d’Howard Hughes, qui n’était pas exempt de qualités. Ici, il confirme les mauvais a priori avec le remake d’un polar asiatique notable (Infernal affairs, d’Andrew Lau et Alan Mak) qui se suffisait largement à lui-même et dont il reprend les grandes lignes et les scènes cruciales sans jamais en atteindre l’intensité originelle. D’où problème.
Problème car le film est dans un sens virtuose, notamment dans son interprétation, sa mise en scène, son utilisation de la musique, ses effets de montage. Problème bis car le film ne repose que sur sa virtuosité. Sur plus de deux heures (il faudrait accessoirement demander à Martin de faire des films moins longs), le cinéaste tente de refaire le jeu du chat et la souris avec sa thématique grouillante, ses personnages charismatiques, ses éclats de violence et quelques changements dans l’univers scorsesien (l’action se déroule non pas à New York mais à Boston, la mafia n’est pas italienne mais irlandaise). Puis, le récit n’est plus en proie au doute et sait très bien là où il va nous mener, annonçant le supercherie rapidement comme on se débarrasse d’un cadavre encombrant. Scorsese n’est alors plus très inspiré par cet écheveau sur le mensonge et la manipulation, allant même jusqu’à faire du copié-collé sans génie ou de l’autocitation facile avec une scène dans un cinéma porno qui renvoie à Taxi driver. En traitant le film policier comme un film de gangster ; en s’attardant sur une relation amoureuse aussi clichée qu’inutile, l’ensemble finit par souffrir du petit jeu (très énervant) des comparaisons avec l’original qui en moins de temps racontait mieux les mêmes rebondissements.
La montagne accouche d’une souris. Après Oliver Stone qui retourne sa veste politique (World trade center) et De Palma qui n’est plus que l’ombre de lui-même (Le dahlia noir), Scorsese commence lui aussi à perdre de sa superbe. Seul élément positif de ce précipité inoffensif : Jack Nicholson, personnage scorsesien en diable, qui, en chef de la mafia irlandaise carnassier et impitoyable - un rôle initialement tenu dans l’original par Eric Tsang -, vient apporter un peu d’ambiguïté et d’intensité à ce film qui en est terriblement dépourvu.
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