Le 11 juillet 2023
Nuri Bilge Ceylan emporte une nouvelle fois ses spectateurs au cœur de l’Anatolie, aussi magnifique que cruelle, où résonnent les tourments et espoirs de ses populations isolées. Une œuvre majeure de la compétition cannoise, portée par un comédien au sommet de son art : Deniz Celiloğlu.
- Réalisateur : Nuri Bilge Ceylan
- Acteurs : Erdem Şenocak, Deniz Celiloğlu, Merve Dizdar, Musab Ekici
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand, Suédois, Turc
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 3h17mn
- Titre original : Kuru Otlar Üstüne
- Date de sortie : 12 juillet 2023
- Festival : Festival de Cannes 2023
Résumé : Samet est un jeune enseignant dans un village reculé d’Anatolie. Alors qu’il attendait depuis plusieurs années sa mutation à Istanbul, une série d’événements lui fait perdre tout espoir. Jusqu’au jour où il rencontre Nuray, jeune professeure comme lui…
Critique : Nuri Bulge Ceylan avait déjà conquis le jury cannois avec son magnifique Winter Sleep. Cette fois, s’il prend toujours le temps nécessaire d’accompagner le récit et ses personnages, nous sommes dans une œuvre plus bavarde. En quelque sorte, ces grands espaces ruraux où hiver comme été l’herbe est jaunie par le climat, sont une formidable opportunité pour le réalisateur de dresser le tableau cruel de la condition humaine. Qu’on soit enfant, adulte ou vieillard, la bienveillance n’est pas toujours de mise et la mélancolie prend le dessus sur la vie. Les Herbes sèches est une œuvre ambitieuse, tant dans le rythme, la longueur, que par l’extraordinaire description que le réalisateur engage sur la nature des femmes et des hommes, le fonctionnement de l’État turc, et la question kurde.
Un homme, enseignant dans un collège, rentre de vacances. Il rêve d’une mutation à Istanbul et le retour au travail lui pèse.
- © 2023 Nuri Bilge Ceylan. Tous droits réservés.
Très vite, il se retrouve accusé de relations trop proches par une jeune fille, de même que son collègue avec lequel il partage son logement. On pourrait croire à une forme de récit policier à la Kafka à partir de cette dénonciation de la collégienne. En réalité, Nuri Bulge Ceylan se sert de cet évènement en soi dramatique pour entrer dans les chemins intérieurs sinueux et tourmentés de son protagoniste. Il est présenté à la fois comme un adulte qui cherche à trouver une escapade à son mal-être, on peut dire dans une forme de résilience ; comme un être méprisant, qui appréhende ses élèves et les villageois comme des personnes médiocres.
Nous sommes donc face à un récit dont l’écriture démontre un travail puissant. Le film sème le doute chez le spectateur quant à l’appréciation qu’il peut se faire du personnage principal. Anti-héros détestable ou au contraire, homme raffiné et intelligent qui cherche par tous les moyens à redresser son existence ?
- © 2023 Nuri Bilge Ceylan. Tous droits réservés.
Le film n’apporte aucune réponse définitive, sauf à la toute fin peut-être. Il fallait un comédien de haute voltige pour interpréter ce rôle. Deniz Celiloğlu est de ceux-là. Il donne vie à un être aux mille visages, généralement bon, mais capable aussi du pire. Il n’y a jamais la moindre faute de goût dans le jeu de l’acteur. Chaque geste, chaque regard, chaque mot sont mesurés à l’aune de la très grande complexité du personnage. À l’heure où nous écrivons cet article, nous ne connaissons pas le palmarès du 76e Festival de Cannes. Néanmoins, le comédien et le scénario semblent d’emblée retenir notre attention toute particulière pour des pronostics. C’est donc un long-métrage qu’il ne faut pas se priver de voir et de réfléchir, au vu questions qu’il pose sur l’état de la Turquie, et plus généralement ce qui peut se nouer de magnifique et de misérable dans les relations humaines.
– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, en compétition
– Cannes 2023 : Prix d’interprétation féminine pour Merve Dizdar
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rotko 14 août 2023
Les herbes sèches - Nuri Bilge Ceylan - critique
Bien d’accord avec votre analyse, en insistant sur une société fermée où les rapports humains sont altérés. On vit un huis clos dans beaucoup de domaines. J’ai bien aimé ce film que certains (le Monde) trouvent bavard, long, avec un personnage central manipulateur.
Si certains passages sont bavards mais dans l’ensemble, sauf la fin, les dialogues sont denses et le silence sait aussi nous parler,
Maladroit et parfois ambigu, le personnage principal est plus ouvert dans ses relations avec les élèves que l’administration scolaire indiscrète et soupçonneuse
Le film long, mais c’est ce que ressentent les personnages de ce film, prisonniers d’un trou perdu de Turquie où la neige omniprésente transforme un village en huis clos d’où chacun rêve de s’échapper. Car les ragots et la médiocrité ambiante étouffent, malgré un paysage d’une grande beauté.