Puzzle littéraire
Le 21 mai 2003
Dans une prose poétique parfois déroutante, Barry Hannah raconte le désespoir d’individus ordinaires.

- Auteur : Barry Hannah
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Américaine

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Dans une prose poétique parfois déroutante, Barry Hannah raconte le désespoir d’individus ordinaires.
Dans Les grands solitaires, Barry Hannah évoque des fragments d’existence qui ont mal tourné. L’écrivain sème mille et un indices avant de vous laisser recoller les morceaux. Très influencé par Faulkner, il ne renierait certainement pas le cinéma de Lynch. Sa prose, par une déstructuration habilement agencée, fait voler en éclats les schémas classiques de la narration. Ses personnages ? Des paumés, des ivrognes, des laissés-pour-compte ou des amants malheureux. Ses lieux de prédilection ? Le Sud conservateur américain et les bleds tristes du Mississippi.
Hannah met en scène des anti-héros, hommes et femmes au milieu de leur vie, s’interrogeant sur ce qu’ils ont vécu et sur ce qu’il leur reste à supporter. Ces personnages sont détruits. Couples démontés par de mauvais mariages, vies sociales ravagées par l’alcool. Les rares moments de bonheur sont bien souvent ceux de l’enfance, le temps d’une pêche à la truite ou d’une partie de chasse. Le style de l’auteur restitue les fêlures humaines et psychologiques de ses personnages. C’est l’autre qui leur renvoie une image de ce qu’ils sont devenus, parfois leurs enfants, parfois une connaissance d’un soir, les poussant à prendre conscience de leurs faiblesses et leurs blessures.
Etrange comme une tristesse latente habite l’ensemble de ces nouvelles. L’écriture de Barry Hannah tend souvent vers la poésie, vers un univers constitué de visions oniriques, parfois sombres, parfois lumineuses. Finalement, le point commun entre ces treize récits est bien la lucidité habitant tous les personnages, mais une lucidité déprimante, les obligeant à prendre conscience de leurs écueils et de leurs douleurs.
Ce recueil déroutera certainement plus d’un lecteur en raison de la complexité de sa prose. L’auteur s’essaie à un nouveau langage, à une manière inédite de raconter un monde qui lui est familier et auquel il est sensible. Finalement, nous sommes beaucoup plus souvent dans l’exercice de style et la recherche littéraire que dans la narration proprement dite. Au travers de ces récits, Barry Hannah nous démontre plus que jamais que la restitution d’un univers et d’une atmosphère dépend avant tout des impressions et des sentiments qui en émanent. Et que, pour les écrire, la mélodie des mots est indispensable...
Barry Hannah, Les grands solitaires (High lonesome, traduit de l’américain par Christophe Mercier), Gallimard, coll. "La Noire", 2002, 277 pages, 22,50 €