Le 22 avril 2020
Loin des grandes œuvres qui ont fait le succès de Coppola, Les gens de la pluie est un road movie troublant et intimiste qui tend à l’Amérique un miroir implacable.
- Réalisateur : Francis Ford Coppola
- Acteurs : James Caan, Robert Duvall, Shirley Knight, Marya Zimmet
- Genre : Drame, Road movie
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h41mn
- Reprise: 18 décembre 2019
- Box-office : 25 575 entrées France / 8 453 Paris Périphérie
- Titre original : The Rain People
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 21 octobre 1970
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Résumé : Paniquée par la nouvelle de sa grossesse, Natalie Revena quitte le domicile conjugal en ne laissant qu’une lettre à son époux. Sur sa route, elle rencontre Jimmy Kilgannon dont l’existence a été bouleversée par un accident. Touchée par son air ingénu, Natalie sillonne les États-Unis avec Jimmy qui doit retrouver sa fiancée.
Critique : Avant Le parrain, Coppola a tourné ce petit film, souvent oublié, avec des moyens rappelant la Nouvelle Vague (petit budget, part d’improvisation), une sorte de road movie à peu de personnages. Natalie est enceinte ; sur un coup de tête apparemment, elle quitte son mari pour une errance vers l’ouest, comme une répétition étriquée du voyage des pionniers. Mais l’Amérique qu’elle rencontre n’est plus une nation glorieuse et fière : Natalie prend en stop un attardé mental, footballeur victime d’un traumatisme, essaie de le confier à un éleveur escroc, se lie à un policier qui a du mal à élever sa fille et qui sera à l’origine de la fin dramatique. Oui, chez Coppola à cette époque, les Américains sont malades, diminués. Leur quête est confuse ou de bas étage et le cinéaste enregistre ce désarroi avec une sympathie évidente pour les « gens de la pluie », ceux qui fondent, sont fragiles, décalés, inadaptés : Natalie, bien sûr, fragile et touchante, mais aussi Killer, le footballeur au surnom devenu ironique, qui obéit et ne cache rien. Deux victimes dans un monde corrompu ou grotesque (le Far West n’est plus représenté que par la parodie d’un restaurant).
Malgré l’importance de la distance parcourue, le film donne l’impression de faire du surplace tant les actions se répètent : Natalie roule, veut à plusieurs reprises abandonner Killer, téléphone à son mari que le scénario ne condamne d’ailleurs pas. Symboliquement, le ranch où elle fait embaucher Killer est aussi l’endroit où elle doit payer son amende pour excès de vitesse : retour, modification de la situation, piétinement. Et malgré quelques beaux arrêts pour admirer le paysage, ce road movie est d’abord un voyage mental, une exploration de crise dont toutes les clés ne sont pas livrées. On sent bien que tous les personnages ont des failles, exprimées par des flash-back furtifs, hachés, qui les emprisonnent dans un passé souvent traumatique : le foot pour Killer, l’incendie dans lequel sa femme a péri pour Gordon, le policier.
Coppola a adopté un rythme lent, soutenu par une ballade mélancolique dont il n’abuse pas, mais le film recèle des scènes marquantes dans lesquelles il sait instaurer un malaise persistant : que ce soit dans l’hôtel où Natalie joue à « Jacques a dit » avec Killer, jusqu’à l’humilier (magnifique plan-séquence vue dans un triple miroir) ou dans la rencontre avec Ellen, l’ex-petite amie de Killer qui le rejette violemment, le spectateur ne peut qu’être troublé par des jeux de pouvoir brutaux.
Même si les raisons du départ de Natalie restent confuses, le scénario prend soin de la définir par des caractéristiques récurrentes, comme le fait de parler d’elle à la troisième personne. Mais son départ sonne surtout comme le symbole d’un mal-être, qui imprègne toute une génération ; il n’est d’ailleurs pas indifférent que la même année, Dennis Hopper tourne Easy rider et que, au détour d’un plan, on voie le titre Bonnie and Clyde : consciemment ou pas, Coppola s’inscrit dans ce qui va devenir le « Nouvel Hollywood » et remet en cause, le temps d’un beau film, aussi bien la morale traditionnelle que la mise en scène classique. Il se lancera ensuite dans l’opulence opératique triomphante avec les Parrain ou Apocalypse now, mais sa veine intimiste ne mérite ni dédain ni condescendance : Les gens de la pluie est un grand film.
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