Le 12 juin 2017
Koulechov s’amuse dans cette parodie loufoque qui s’appuie sur les clichés propagée par les USA pour mieux vanter l’URSS.
- Réalisateur : Lev Koulechov
- Acteurs : Porfiri Podobed, Boris Barnet
- Genre : Comédie, Film muet, Noir et blanc
- Nationalité : Russe
- Durée : 1h13mn
- Date de sortie : 27 avril 1924
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Résumé : M. West et son garde du corps Jeddy débarquent en Union Soviétique. Naïf, il est vite dévalisé par de prétendus sanguinaires bolcheviks. Et ce n’est que le début du délire foutraque de cette farce sans queue ni tête sans équivalent dans le cinéma soviétique.
Notre avis : Lev Koulechov est aujourd’hui plus connu pour son « effet » démontrant la puissance suggestive du montage que pour ses films, d’ailleurs d’assez modeste réputation. M. West n’est sans doute pas représentatif de sa carrière, pochade agitée encore fringante presque un siècle après sa sortie. Le métrage est une parodie des serials américains, transposés « pour rire » dans l’URSS balbutiante : on y trouve des poursuites, des bagarres, une jeune fille éplorée et des bandits grimaçants. Sauf que tout cela est factice, largement mis en scène en une sorte de mise en abyme du cinéma ; Koulechov ne cesse de se moquer de son propre récit, avec ses faux méchants grimés pour ressembler à la caricature occidentale et sa fausse comtesse faussement enlevée. Certes, on ne saurait oublier la charge propagandiste : la dernière partie montre les « vrais » bolcheviks, gens souriant et soldats défilant (avec un insert étonnant sur Trotsky), dans un pays industrieux et volontaire (on voit l’université promise aux travailleurs) et M. West demande à sa femme d’afficher un portrait de Lénine. Tout cela existe, indubitablement, et se voulait édifiant, mais n’atteint que le lénifiant.
Le meilleur du film est ailleurs, dans les éléments parodiques ou dans quelques audaces cinématographiques ; ainsi de ce flash-back mensonger ou de cette vision de bolcheviks rôtissant une femme tout en aiguisant leurs couteaux. Quand Koulechov se moque des invraisemblables serials, il en reprend habilement les codes : le garde du corps, Jeddy (interprété par le futur cinéaste Boris Barnet), saute d’une voiture à une calèche, se suspend et bondit tel un cascadeur hollywoodien, mais il montre aussi l’arrogance américaine en prenant au lasso un innocent conducteur et en tirant des coups de feu aussi nombreux qu’inefficaces. D’ailleurs, d’une manière générale et comme dans le meilleur burlesque, l’énergie dépensée l’est en pure perte : Jeddy suit la mauvaise voiture … Le réalisateur y développe un plaisir très pur, le plaisir d’être-là et d’agir, de casser tout le mobilier avec une jouissance visible. Ce qui ne l’empêche pas de décocher des flèches acerbes contre le nationalisme d’un M. West muni de ses chaussettes-drapeaux et ses certitudes délirantes (au passage, la presse des USA en prend pour son grade).
Les méchants viennent des films de gangsters, la poursuite du western, les bagarres du burlesque, bref, Koulechov triture les genres pour les tirer vers la parodie joyeuse, pénétrée de sa propre ivresse. Du mouvement, du rythme, mais aussi des jeux subtils (voir par exemple la drague de la « comtesse »), au total un film que l’on peut encore regarder avec plaisir, ce qui n’est pas toujours le cas des œuvres des années 20. Ici, bien loin du sérieux d’Eisenstein ou de la poésie subtile de Boris Barnet, on est dans le pur jeu et la fantaisie débridée.
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