Le 3 juin 2003
Quatre destins de déracinés pour explorer la tragique beauté des choses à jamais disparues.
Quatre destins de déracinés pour explorer la tragique beauté des choses à jamais disparues.
"It’s like nothing I’ve ever read." [1] C’est en ces termes que la grande Susan Sontag présentait Les émigrants à sa sortie aux USA (1996), dans le Times Literary Supplement. Pour elle, ce livre "atteint le sublime". Que dire de plus ? Quels superlatifs faut-il utiliser pour présenter les quatre longs récits qui constituent cet ouvrage ? Comment décrire l’émotion qui vous étreint à la lecture de ces destins brisés par l’exil ?
Entre Lituanie, Allemagne, Angleterre et Etats-Unis, Sebald met ses pas dans ceux de quatre juifs survivants de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont tout perdu, leur pays, leur langue, ils se sont eux-mêmes perdus de vue. Bien qu’ayant évité les camps, ils sont traumatisés par l’Holocauste et la chute du nazisme n’a rien effacé de leur souffrance et de leur honte. Sur un ton si "ordinaire" qu’il en devient paradoxalement lyrique, l’auteur reconstitue la mémoire de ces déracinés. Explore de manière méditative et sensuelle la beauté des choses à jamais disparues, dans un jeu vertigineux où se mêlent fiction, réalité et notes autobiographiques. Scande son propos d’illustrations photographiques qui donnent à cette œuvre des allures d’album du temps perdu.
Le sentiment de culpabilité des générations allemandes d’après-guerre - sentiment complexe s’il en est - a suscité un grand nombre d’œuvres littéraires. Le joyau nostalgique des Émigrants, requiem pour un passé englouti, en est un des exemples les plus remarquables. Quelques années plus tard, Sebald récidivait avec son bouleversant Austerlitz, œuvre ultime d’un des plus grands écrivains de la seconde partie du XXe siècle, lui-même exilé en Angleterre. Parce qu’il avait trop mal à l’Allemagne ?
W.G. Sebald, Les émigrants, (Die Ausgewanderten, traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau), Folio, 7,70 €
[1] Ça ne ressemble à rien de ce que j’ai lu.
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