Corps à cœur
Le 23 mars 2021
Ce récit policier, sommet du film à suspense, illustre avec efficacité la noirceur du cinéma de Clouzot.


- Réalisateur : Henri-Georges Clouzot
- Acteurs : Jean Lefebvre, Michel Serrault, Charles Vanel, Robert Dalban, Pierre Larquey, Paul Meurisse, Jean Brochard, Georges Poujouly, Simone Signoret, Jacques Varennes, Noël Roquevert, Jean Temerson, Véra Clouzot, Thérèse Dorny, Georges Chamarat, Yves-Marie Maurin
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Épouvante-horreur, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Acacias, Cinédis
- Editeur vidéo : René Chateau vidéo
- Durée : 1h54mn
- Date télé : 11 mars 2025 23:20
- Chaîne : Paris Première
- Reprise: 8 novembre 2017
- Box-office : 3.681.871 France / 1.187.328 entrées Paris Périphérie
- Titre original :
- Date de sortie : 29 janvier 1955
- Plus d'informations : Histoire du Polar au cinéma

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Résumé : Dans une institution destinée à l’éducation des jeunes garçons, Christina et Nicole, respectivement épouse et maîtresse du directeur Michel Delasalle, s’associent afin d’assassiner l’homme qu’elles ont fini par haïr. Mais quelques jours après leur méfait, le corps de Michel disparaît...
Critique : Les diaboliques est l’adaptation d’un roman policier de Boileau et Narcejac, auteurs qui inspireront également Hitchcock avec Vertigo. On retrouve la même habileté pour un récit policier alambiqué menant sur une fausse piste, jusqu’à la découverte d’une machiavélique machination. Mais le scénario est aussi un prétexte pour Clouzot qui se fait un malin plaisir à déployer sa thématique. La noirceur des personnages n’a en effet d’égal que le profond pessimisme du cinéaste, peignant sans concessions une petite communauté souillée par les rancœurs et la haine. On retrouve ainsi l’ambiance oppressante qui fut celle du petit village asphyxié par les lettres anonymes dans Le corbeau, le chef-d’œuvre du cinéaste. Le directeur autoritaire et cruel (Paul Meurisse), s’il semble le personnage le plus détestable, n’est pas forcément l’unique figure de l’immoralité. Son épouse accepte tant bien que mal de le supprimer, sa maîtresse s’allie avec cette dernière pour passer à l’acte, et nombre de personnages secondaires ont leur part d’ombre : le surveillant bienveillant (Pierre Larquey) est alcoolique, le gamin à la bonne bouille (Yves-Marie Maurin) est mythomane, le cardiologue (Georges Chamarat) ne pense qu’à son intérêt personnel, le retraité militaire (Noël Roquevert) peste contre sa propriétaire mais se montre veule et docile en sa présence. Le petit monde de Clouzot est un microcosme sans pitié, ce que le réalisateur dans sa démarche de moraliste désenchanté montrera à la perfection dans La vérité. La mise en scène est magistrale, et Clouzot joue à merveille sur les métaphores de la saleté et du noir, à l’image de ces flaques d’eau boueuses au début du récit.
D’une chambre d’hôtel mystérieuse aux couloirs de la morgue, en passant par le grenier glauque de l’institution scolaire, le cinéaste multiplie les décors froids et désincarnés dans lesquels se meuvent les protagonistes. Le plus réussi réside dans la description des rapports entre Nicole et Christina, dont on ne sait s’ils tiennent de l’amitié sincère, de la complicité de circonstance ou de l’homosexualité, tant leur relation est fusionnelle et équivoque. Pour autant, Les diaboliques, s’il reste un modèle, n’est pas le plus parfait des films de Clouzot. Le problème est d’abord dans la double interprétation féminine. Épouse du réalisateur, Véra Clouzot (Christina) est manifestement une actrice limitée, dont le jeu paraît très affecté. Et Simone Signoret, qui avait ébloui trois ans plus tôt dans Casque d’or, semble ici détachée et manque cruellement de sensualité. Par ailleurs, l’œuvre apparaît moins prenante lors d’une seconde vision, l’artifice de son dénouement ne créant plus l’effet de surprise, contrairement à Vertigo ou Les autres, également caractérisés par un retournement final, mais enrichis à chaque redécouverte. En dépit de ces réserves, Les diaboliques est un film très important, qui ne cessera d’effrayer de nouvelles générations de spectateurs, et qui permettra d’apprécier des acteurs magistraux de la trempe de Paul Meurisse, Charles Vanel, Jean Brochard ou Thérèse Dorny. Un remake calamiteux fut tourné en 1996 avec Sharon Stone et Isabelle Adjani...
– Prix Louis Delluc 1954
– Edgar Allan Poe Awards 1956 : Meilleur film étranger
– New York Film Critics Circle Awards 1955 : Meilleur film étranger