La mémoire dans la peau
Le 7 avril 2024
Une très belle version redux du film maudit de Wong Kar-wai, qui permet de donner une seconde vie à ce magnifique poème inachevé.
- Réalisateur : Wong Kar-wai
- Acteurs : Leslie Cheung, Tony Leung Chiu-wai, Tony Leung Ka-fai, Charlie Young, Maggie Cheung, Jacky Cheung, Brigitte Lin, Carina Lau
- Genre : Drame, Action, Historique
- Nationalité : Chinois, Hongkongais
- Distributeur : ARP Sélection, The Jokers
- Durée : 1h40mn
- Reprise: 17 avril 2024
- Titre original : Ashes of Time - Redux
- Date de sortie : 4 décembre 1996
- Festival : Festival de Cannes 2008
– Reprise en version restaurée : 17 avril 2024
– Année de production : 1994
Résumé : Depuis que la femme qu’il aimait l’a quitté, Ouyang Feng vit seul dans le désert de l’Ouest, engageant des tueurs à gages experts en arts martiaux pour exécuter des contrats. Son cœur meurtri l’a rendu cynique et sans pitié, mais ses rencontres avec amis, clients et futurs ennemis vont lui faire prendre conscience de sa solitude.
Critique : Voici la vision finale des Cendres du temps, le seul Wu xia pian (film de sabres chinois) de la filmographie de Wong Kar-wai. La volonté de donner une nouvelle vie à ce poème sensoriel est liée à l’existence sur le circuit mondial de nombreuses versions qui n’étaient pas toutes approuvées par le cinéaste. Cette œuvre, qui réunit les plus grandes stars hongkongaises de l’époque, notamment le regretté Leslie Cheung, avait donné lieu à un tournage très compliqué qui s’était étalé sur deux années. Elle a surtout été un échec retentissant au box office chinois en raison des choix artistiques de Wong d’où, certainement, l’envie de donner une seconde chance à un film considéré comme inachevé. Point de combat épique ici, le réalisateur s’intéresse aux états d’âmes de héros tourmentés par leur mémoire. Il donne ainsi une vision crépusculaire du genre, avec l’envie de le détruire et le faire renaître sous une autre forme à la manière des polars de Johnnie To ou des westerns de Sergio Leone. Les références à ce dernier sont d’ailleurs flagrantes : les différents personnages sont des figures mythiques et fantomatiques, filmées comme des statues figées dans un désert de solitude.
Cette version apporte alors un vrai plus, le cinéaste et son équipe s’étant attelés à remonter le film et à faire des ajouts de plans qui lui donnent davantage de sens. L’excellente bande son d’origine, qui relève du songe, a également été modifiée avec une musique additionnelle qui amplifie sa portée symbolique. En outre, le métrage, dont les copies étaient en mauvais état, a été entièrement restauré grâce aux outils numériques. Cela permet de magnifier la formidable photo granuleuse et floutée de Christopher Doyle, qui retranscrit avec force l’intériorité tourmentée des personnages. Il faut d’ailleurs noter l’importance des gros plans sur les visages qui renforcent la plongée dans l’âme des protagonistes. L’œuvre est alors plus belle dans sa déstructuration et sa sensorialité que la première version distribuée en Occident. Wong Kar-wai réussit l’exploit de réaliser une relecture d’un genre mais aussi de l’un de ses films, tout en étant logique avec l’évolution de son art. Par son maelström de ressentis et de perceptions ainsi que sa structure davantage éclatée, Les cendres du temps - Redux se rapproche de 2046, le long-métrage le plus complexe de son auteur. Après la semi-réussite de l’aparté américaine My Blueberry Nights, on retrouve enfin le talent d’un cinéaste inventif et glamour, qui filme si bien les histoires d’amours impossibles.
Galerie photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Norman06 22 avril 2009
Les cendres du temps - Redux - Wong Kar-wai - critique
Le montage est brillant, comme dans tous les films de Wong Kar Wai : flash-backs multiples, ralentis sublimes, images grandioses. WKW est tant un poète de l’écran qu’un technicien accompli, et on se doit de souligner le travail remarquable de ses collaborateurs attitrés, dont Christopher Doyle à la photo et Frankie Chan pour la partition musicale. Pour autant, ce projet épique, que l’on aurait mieux vu entre les mains de Zhang Yimou ou Chen Kaige, ne séduit pas totalement même s’il s’inscrit dans la cohérence thématique et stylistique de l’auteur. Est-ce dû à la profusion des personnages, au récit déstructuré à l’excès, aux conventions d’un genre réservé aux intitiés ou au souvenir rétrospectif de bijoux mieux ciselés dans la filmographie du maître ?